Lois de la République et « loi divine »…

Décidément, conforter les principes de la République et lutter contre les « séparatismes » ne va pas de soi. Et nos gouvernants, ne ratent pas une occasion d’ajouter de la confusion à la confusion. En quelques jours, le Ministre de l’Intérieur – chargé des cultes – a proféré quelques âneries qui pourraient faire sourire si le sujet n’était si grave. Et au passage, il révèle l’absence de réflexion et l’inculture de ceux qui sont aujourd’hui chargés de légiférer et de combattre certaines dérives religieuses.

Ainsi, nul n’avait jamais entendu dire que des communautés évangéliques menaçaient la République. C’est pourtant, semble-t-il, ce qui préoccupe le Ministre de l’Intérieur qui préfère s’en prendre à ces communautés plutôt que s’attaquer frontalement à l’islamisme radical et risquer ainsi d’être accusé de stigmatiser des musulmans… Et puis voilà que le 1er février sur France Inter, le même ministre déclare : « Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu ».

Passons sur la faute politique qui consiste à exclure du dialogue ceux qui ne partagent pas sa conception de la liberté de conscience. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Ce refus de poursuivre le dialogue résonne à la fois comme un aveu d’impuissance et la révélation d’un autoritarisme mal venu. Ce serait faute vénielle s’il n’y avait là qu’une forme de mépris à l’égard des croyants.

Ce qui est plus inquiétant, c’est que le Ministre de l’Intérieur fait une grave confusion entre des lois qui ne sont pas de même nature. Les lois de la République s’imposent sur un territoire. Ce ne peut être le cas de la loi divine. Ainsi, le ministre évite d’aborder la seule question qui vaille : la distinction qu’il convient de faire entre ceux qui se soumettent aux lois de la République et ceux qui s’y refusent et entendent imposer leur conception de la loi « divine » à notre pays. En clair, le transformer en théocratie. Or, que l’on sache, ni les évangéliques, ni les catholiques, protestants, orthodoxes ou israélites de notre pays, pas plus qu’une grande majorité de musulmans, n’ont une telle ambition !

Sans doute est-il parfois difficile à comprendre pour des incroyants que dans les consciences des croyants, la loi divine soit supérieure à la loi des hommes sans pour autant que celle-ci doive être imposée à tous. Mais cela est pourtant essentiel car nier ce principe, c’est renoncer à la liberté religieuse, liberté de croire ou de ne pas croire…

Au-delà, le Ministre de l’Intérieur montre clairement son ignorance de ce que fut la Constitution civile du Clergé imposée par décret en 1790. Un décret qui a déchiré notre pays et a conduit, sous la Terreur, au massacre de milliers de prêtres, de religieux et de croyants. Voudra-t-il demain imposer aux religieux de notre pays l’obligation de signer un document contraire à leur conscience ? Veut-on ériger la République en une divinité dont le culte exigerait une soumission absolue ? Et si l’on ne s’y soumet pas, verrons-nous apparaître on ne sait quelle nouvelle Inquisition ? Ne soyons pas  dupes : les membres du clergé ne seraient pas les seuls concernés par une telle obligation évoquée par le ministre. Ce serait aussi le cas de tous les responsables d’associations éducatives et de mouvements de jeunesse d’inspiration catholique, protestante, juive…

A vouloir combattre un ennemi tout en évitant soigneusement de le nommer, le Ministre de l’Intérieur fait sourire ceux qui n’ont que faire des principes de la République et inquiète les autres. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Nous en avons là une navrante confirmation.

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