Des émules de Trump pour mai 2017 ?

Cela pourrait-il nous arriver ? Assurément, l’élection de Donald Trump donne des ailes à ceux qui, de ce côté-ci de l’Atlantique, font campagne en puisant dans le registre des idées simplistes, des provocations, des excès de langage. Et, proclamant leur défiance à l’égard des « élites » (auxquelles ils appartiennent !), ils se prennent à rêver du jour où le suffrage universel pourrait leur donner raison.

Une seule chose est sûre : l’avenir n’est pas écrit d’avance et ceux qui, dans les médias, s’appuient sur les sondages pour laisser supposer que l’affaire est entendue pourraient bien, ici comme aux USA, connaître des lendemains difficiles.

Mais pour qu’un(e) Trump à la française l’emporte, encore faudrait-il que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Depuis la surprise de la nuit du 8 au 9 novembre, les commentateurs ne cessent de gloser sur les causes du vote Trump, et sur les similitudes entre son électorat et celui qui fait aujourd’hui le succès du Front National. Le déclassement, le sentiment d’abandon et la crainte identitaire sont des ingrédients qui se retrouvent de part et d’autre de l’Atlantique. A cela s’ajoute le risque de désinhibition pour les candidats et leurs soutiens. En clair, la grossièreté de D. Trump, son usage délibéré du mensonge et de la désinformation, la haine raciale qu’il a exploitée sans vergogne, et le complotisme sur lequel il a surfé font des émules.

Alors faut-il se résigner à une surprise identique à celle du 9 novembre au matin ? Il faudrait pour cela que d’autres ingrédients soient réunis. Et en la matière, nos institutions diffèrent sensiblement de celles des USA. La candidate démocrate a récolté plus de 200 000 voix de plus que son adversaire, mais celui-ci l’a emporté avec 58 grands électeurs de plus. En quelque sorte, une surreprésentation de certains états et la « prime au vainqueur » permettent à un candidat minoritaire en voix au niveau national de rafler la mise. Une anomalie démocratique qu’ont tôt fait de dénoncer les manifestants qui se sont réunis dans les rues des grandes villes américaines et que l’on avait déjà observée, notamment lors de l’élection de G. W. Bush contre le démocrate Al Gore. Notre système permet, certes, à un candidat minoritaire au regard du corps électoral de l’emporter. Mais il faut pour cela qu’il ait obtenu la majorité des suffrages exprimés. Et comme ne sont présents au second tour de l’élection présidentielle que les deux candidats arrivés en tête, pas de risque qu’une triangulaire crée la surprise comme cela peut être le cas chez nous lors des élections législatives, dans certaines circonscriptions.

Cette observation étant faite, le risque demeure de voir un candidat s’inspirant de Trump l’emporter en France en mai prochain. D’abord, en raison de la fracture sociologique, politique et culturelle évoquée plus haut. Ensuite, en raison du désenchantement d’une large part de l’électorat qui peut conduire à une démobilisation de nombre d’électeurs comme celle dont a été victime H. Clinton. Enfin, reste la question du profil du candidat de la droite et du registre sur lequel il fera campagne.

Aujourd’hui, tous les observateurs tiennent pour acquis que la gauche désunie a fort peu de chances de voir son représentant figurer au second tour de l’élection présidentielle et que la candidate du Front national a de fortes chances de figurer parmi les deux premiers à l’issue du premier tour. Si cette hypothèse se réalise, tout dépendra alors du profil du candidat qui représentera la droite dite « républicaine ». Les « primaires «  joueront donc un rôle capital. Soit celui qui l’emportera sera un candidat s’inscrivant dans une tradition classique de la pratique politique, c’est à dire celle du débat et de la bienséance et alors, le risque d’une « trumpisation » de la politique française pourra cette fois être écartée. Soit ce sera un candidat qui, pour être sélectionné, aura bousculé les codes en vigueur, aura exploité les haines et les peurs, et le risque est grand qu’en mai prochain, il ne soit lui-même dépassé par plus « trump » que lui.

Les primaires constituent une anomalie dans nos institutions*. Elles ont pour effet d’activer des clivages et de radicaliser des positions. Elles peuvent cependant aussi contribuer à apporter de la modération dans les débats à venir. Réponse le 27 novembre au soir.

* Au sujet des primaires, on lira le remarquable article que leur a consacré François Ernenwein, rédacteur en chef de « La Croix » dans le dernier numéro de la revue « Etudes » et intitulé : « L’illusion des primaires »

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