Bleu bonnet ou bonnet bleu ?

Cela s’appelle jouer avec le feu. Tout à sa stratégie de débordement du FN sur sa droite pour mieux en siphonner les électeurs (du moins, le croit-il..), Nicolas Sarkozy fait de la surenchère sécuritaire et identitaire jusqu’à hystériser le débat et attiser les haines. Il en finit même par faire apparaître le discours de Marine Le Pen comme modéré. Un comble ! Et il obtient un résultat qu’il sous estime sans doute : le retour du TSS, le « Tout Sauf Sarkozy » qui avait fonctionné à plein régime en 2012, assurant alors à François Hollande une élection moins par adhésion à la personnalité de ce dernier que par rejet de la sienne…

Faisons un retour en arrière : lors de l’élection présidentielle de 1969, la gauche ayant été éliminée au premier tour, ne restaient en lice que l’ancien Premier ministre du général De Gaulle, Georges Pompidou et le centriste Président du Sénat, Alain Poher. Le second tour opposait donc deux modérés dans un climat moins tendu qu’aujourd’hui. Le communiste Jacques Duclos avait alors appelé à l’abstention estimant que Poher – Pompidou, c’était « bonnet blanc et blanc bonnet ».

Cette fois, la société française vit sous tension. L’extrême impopularité de François Hollande et la division de son propre camp nous portent à croire que le vainqueur de la primaire à droite a de bonnes chances de devenir le prochain locataire de l’Elysée. Dans ce contexte, peut-on raisonnablement penser que seuls les électeurs de la droite -et accessoirement du centre- seraient concernés par la primaire de novembre prochain ?

En effet, la perspective de voir Marine Le Pen arriver en tête au soir du premier tour et, en tout cas se qualifier pour le second, change la donne. L’électorat de gauche est saisi par le doute et semble avoir déjà fait son deuil de l’échéance de 2017. Il est surtout, par avance, tétanisé à l’idée de devoir rejouer le scénario de 2002 dans lequel il avait, non sans regrets, déposé dans l’urne un bulletin au nom de Jacques Chirac, un homme qu’il critiquait, dans le seul but d’échapper au pire. Sauf qu’aujourd’hui, à ses yeux, Sarkozy n’est pas Chirac. S’il combattait avec vigueur le second, sa détestation du premier est bien plus grande encore.

Des électeurs de gauche s’interrogent donc. Et, sans surprise, peu à peu s’accroit le nombre d’entre eux qui voient dans la primaire de la droite l’opportunité à saisir pour être sûrs ensuite de ne pas se trouver dans l’obligation de voter Nicolas Sarkozy contre Marine Le Pen en mai prochain. D’autant que les coups de butoir que donne Nicolas Sarkozy fragilisent la possibilité ultérieure d’un « Front républicain » pour le second tour (le « tous unis contre Marine Le Pen »), et font du scrutin de 2017 une élection à haut risque pour notre pays.

C’est ainsi que la primaire de la droite prend des allures d’application à la politique du principe de précaution. Elle pourrait avoir désormais, pour des électeurs de gauche, un enjeu d’une autre nature, moral celui-là : éviter le tragique dilemme de ce que l’on pourrait cette fois qualifier de « bonnet bleu ou bleu bonnet ».

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Une réponse à Bleu bonnet ou bonnet bleu ?

  1. Bruno Voisin dit :

    Tout cela n’est pas le fruit, comme certains voudraient le faire croire, d’une manipulation qui viserait à priver la droite de sa primaire. C’est la conséquence du choix stratégique fait par N. Sarkozy de concentrer le propos de ses premières semaines de campagne sur les thèmes de la sécurité et de l’identité. C’est lui, et lui seul qui a ainsi réactivé le réflexe anti-sarkozyste dont il risque maintenant d’être la victime.

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