On prend les mêmes… ou on change ?

On prend les mêmes et on recommence ! Voilà des mois que l’on disserte sur le nécessaire renouvellement de notre vie politique, mais tout se passe comme si l’on devait en 2017 rejouer le film de 2012. Oh, il y aura bien quelques variantes dans le scénario : Nicolas Sarkozy n’est pas assuré d’être désigné challenger pour la droite et François Hollande devra bien affronter quelques concurrents de son propre camp puisque le voilà abandonné et trahi par plusieurs de ses anciens ministres. Mais en cette rentrée la bataille qui sévit au sein de chaque camp oppose aujourd’hui nombre de protagonistes qui sont loin d’être des nouveaux venus en politique.

Au jeu du plus ancien, c’est François Fillon qui l’emporte puisqu’il a été élu député pour la première fois voici 35 ans, en 1981 ! Viennent ensuite Jean-Luc Mélanchon, Alain Juppé et François Bayrou, devenus tous trois parlementaires en 1986 – trente ans déjà ! Puis enfin ex-æquo, François Hollande et Nicolas Sarkozy dont le premier mandat de député date de 1988, voilà vingt-huit ans… Pas étonnante, cette impression de voir toujours les mêmes têtes ! Et, paradoxe, les plus jeunes qui ont accompagné certains d’entre eux des années durant, les Le Maire, Kosciuzko-Morizet, Valls, Montebourg, Duflot, etc. semblent si marqués par leurs passages au gouvernement, ils ont été si bien formatés par leurs partis respectifs qu’ils peinent à incarner le renouveau.

A titre de comparaison, l’actuelle Premier ministre Britannique, Theresa May a été élue à la Chambre des Communes en 1997, son prédécesseur David Cameron avait été élu pour la première fois en 2001 et a quitté la scène politique en juillet dernier, au lendemain du référendum sur le « Brexit ». Quant au Président du Conseil italien, Matteo Renzi, il a commencé sa carrière comme élu local à Florence en 2004 ! Comment mieux dire que certains de nos voisins savent mieux que nous concilier expérience et renouvèlement de leur personnel politique ?

Quand on prend les mêmes, la question devient : peut-on – et comment – faire du neuf avec du vieux ? Et cette question revient avec d’autant plus d’acuité que domine l’impression que notre pays est, depuis longtemps, à la traîne tandis que les défis qui lui sont lancés sont d’une rare gravité. Alors, faut-il parier sur des valeurs sûres ou chercher des têtes nouvelles ? Les valeurs sûres : des hommes qui, parce qu’ils ont déjà exercé le pouvoir d’une manière ou d’une autre, ont fait preuve de leur solidité à défaut d’avoir réussi en tout. Les têtes nouvelles : un saut dans l’inconnu, un pari sur l’inexpérience ?

Mais la question du renouvellement peut se poser d’une manière différente : faire du neuf, c’est aussi changer de logiciel. Cela signifie changer de point de vue sur les traditionnels clivages droite – gauche qui structurent encore notre vie politique mais la figent dans d’indépassables affrontements. C’est placer au centre des débats les questions cruciales pour notre avenir que sont la protection des ressources de la planète, la régulation de l’économie, la maîtrise de nos dépenses publiques, notre capacité d’intégration de populations nouvelles dans un monde sans frontières, l’éducation, notre capacité d’innovation…

Pour cela, encore faut-il être capable de s’interroger sur les conservatismes qui nous empêchent de progresser et de changer notre vision passéiste d’un monde dont nous avons longtemps cru être le centre, et d’une Europe que nous voulions voir gouvernée à l’aune de nos intérêts.

On aimerait être sûr que des hommes rompus à la politique politicienne depuis plus de trente ans sachent penser autrement. Mais quand on voit certains d’entre eux nous faire croire qu’ils ont changé tout en étant obsédés par le retour à une identité illusoire, quand on en entend d’autres nous déclarer que leur faire confiance c’est éviter le pire, quand les troisièmes ressortent de vieilles recettes qui ont échoué partout où elles ont été tentées, on aimerait davantage entendre des voix qui nous proposeraient un logiciel différent.

Si les Français ont une relation compliquée avec la politique c’est à la fois parce qu’ils en attendent beaucoup (trop ?) et que, dans le même temps, ils ont été déçus par tant de promesses non tenues, tant d’engagements non suivis d’effet ; parce que les victoires passées se sont bâties sur des mensonges et des illusions ; parce qu’en définitive, on ne leur demande pas de choisir un projet, mais d’éliminer le (ou la) candidat(e) dont ils ne veulent pas.

Il fut un temps où les Guignols de l’info brocardaient un Jacques Chirac – « Super-menteur » et un Nicolas Sarkozy – « Super-Petit Menteur ». Aujourd’hui, les super-menteurs sont à la manœuvre, persuadés que plus c’est gros, mieux ça passe. Persuadés qu’il ne faut pas changer la manière de faire de la politique* parce que cela leur porterait préjudice. Au risque de nous faire rater le train de l’Histoire.

* oubliant que « la différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération », selon la formule du Révérend James Freeman Clarke (prédicateur américain 1810-1888)…

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