Que cachent « l’égalité réelle » et le référendum local ?

Les commentaires sont allés bon train, sur le remaniement ministériel du 11 février dernier. Tant sur le subtil dosage politique concocté par le Président de la République, dans une ultime tentative pour ressouder une majorité en miettes, que sur l’improbable cohérence d’un gouvernement qui réunit partisans et adversaires de l’aéroport Notre-Dame des Landes et de la déchéance de nationalité. Tant sur l’entrée au gouvernement de personnalités qui piaffaient d’impatience en attendant qu’on puisse enfin leur donner du « Monsieur le ministre », que sur des formations qui y obtiennent une place inversement proportionnelle à l’électorat qui est le leur, ou encore sur le caractère pléthorique de ce gouvernement…

Mais au delà du caractère navrant des petits calculs politiciens que révèle la démarche de François Hollande, et qui ressemble fort aux combinaisons qui ont abouti au naufrage de la IVème République, il y a là deux « innovations » sur lesquelles il faut s’arrêter.

La création d’un « Secrétariat d’Etat à l’Egalité Réelle », tout d’abord, qui ne laisse pas de nous interroger. A-t-il pour mission de lutter contre toutes les formes d’exclusion ? Sauf qu’un autre secrétariat d’état est chargé de ce sujet en même temps que des personnes handicapées. S’agirait-il de l’égalité entre les femmes et les hommes ? Mais alors, pourquoi avoir dans le même temps un « Ministère de la Famille, de l’enfance et du droit des femmes » ?… On peut interpréter cette appellation, en observant que cette « égalité réelle » a été confiée à une élue de l’Ile de la Réunion, qu’il s’agit sans doute d’égalité entre les territoires, départements d’Outre-Mer, territoires ruraux, et grands espaces urbains. Encore que d’autres départements ministériels sont chargés de l’Outre-Mer, d’aménagement du territoire, ou encore de ruralité. Alors ?

Alors, cet étrange intitulé sonne comme un aveu. Aveu de l’incapacité des responsables de tous ces secteurs de prendre en compte l’exigence d’égalité dans les politiques mises en œuvre. Aveu aussi paradoxalement du caractère secondaire de cette valeur républicaine qu’est l’égalité puisque la voilà confiée à un simple secrétariat d’Etat, placé en vingtième position dans l’ordre protocolaire !..

Reste la seconde innovation : la décision de consulter la population par référendum sur le projet d’aéroport Notre-Dame des Landes. Sans doute peut-on se réjouir d’une idée qui pourrait revivifier notre démocratie. Mais en l’espèce, cette annonce pose bien d’autres questions. D’abord celle du périmètre de consultation : le seul département de la Loire-Atlantique ou un niveau régional plus large allant jusqu’à Rennes ? Après tout, n’est ce pas le grand-Ouest dans son ensemble qui est concerné par ce projet ? Et surtout, comment faire coïncider démocratie directe et responsabilité des élus locaux ? Car ce projet, porté par nombre d’élus de la région, ne peut être considéré comme le fruit d’une pensée exclusivement technocratique.

S’il suffit d’une mobilisation que certains qualifient de « citoyenne », mais qui est aussi le fait d’irréductibles opposants jamais satisfaits de décisions prises dans un cadre démocratique et de décisions judiciaires veillant au respect de la loi pour que l’Etat recule et s’en remette à des référendums locaux, il y a une double menace. D’abord, il y a fort à parier que l’on trouvera toujours de bonnes raisons pour faire preuve d’immobilisme. Ensuite, l’exercice de responsabilités par des élus locaux, démocratiquement élus et agissant dans le respect de la loi et dans le cadre de leurs prérogatives, est sérieusement menacé.

L’idée de consulter la population par référendum mérite mieux qu’une utilisation par défaut, comme pour éviter de devoir assumer une responsabilité quelconque. Oui, en appeler aux électeurs sur des choix d’équipements collectifs, sur des investissements d’avenir, sur des projets qui peuvent avoir un impact durable sur la vie économique et l’environnement d’une région, serait une bonne manière de rénover nos pratiques démocratiques, de redonner toute sa place au débat citoyen. Il reste que dans de telles conditions, à raison même du déchaînement des passions auquel a donné lieu ce projet, et des tergiversations de l’Etat qui n’ont que trop duré, l’affrontement est assuré. Pas sûr que la démocratie en sorte grandie…

Une fois de plus, une belle idée est dévoyée parce qu’utilisée à mauvais escient. Une fois de plus, l’improvisation aura fait fi de la réflexion nécessaire quant aux conditions de sa mise en œuvre. Une fois de plus, elle aura mis à l’écart les élus locaux sans lesquels elle ne saurait aboutir. Avec le risque, au bout du compte, de déresponsabiliser les politiques, de déconsidérer durablement les référendums locaux et l’appel à la mobilisation des électeurs. Dommage !…

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