Vous avez dit tripartisme ?

L’affaire était entendue. A en croire observateurs et éditorialistes, nous étions entrés dans l’ère du « tripartisme ». Il fallait s’y résoudre. Dès lors, les calculs étaient simples : comme Marine Le Pen semblait assurée d’arriver en tête au soir du premier tour des élections présidentielles de 2017, tout autre candidat, de gauche comme de droite, devait à tout prix arriver en seconde position pour l’emporter au second tour. D’où de savantes combinaisons fondées sur ce seul constat : que la division apparaisse au sein d’un camp et celui-ci était éliminé. A droite comme à gauche, la bataille devait donc se résumer à une quête obsessionnelle de l’unité. Sauf que l’histoire n’est jamais écrite d’avance car déjà, le trio n’est plus ce qu’il était !

On a assisté au psychodrame de la famille écolo entre, d’un côté, ceux qui rêvent d’entrer au gouvernement et, de l’autre, ceux qui espèrent agréger autour d’eux un Syriza à la française. Tempête dans un verre d’eau diront certains, car l’intérêt des médias pour ces querelles d’ego est inversement proportionnel à ce que représentent réellement les « verts » ! Ce psychodrame qui s’ajoute aux débats internes au PS, est révélateur d’une gauche écartelée entre un credo ultra-libéral et une tentation socialiste archaïque, même teintée de vert. Il y a bien ceux qui pensent encore que le parti fondé par François Mitterrand continuera de dominer la gauche au point de rassembler autour de lui avec succès des courants disparates. Ceux-là connaissent la logique des institutions de la Vème République. Mais peuvent-ils aujourd’hui être aussi sûrs qu’elle fonctionnera comme en 1981 ou 2012 ? N’assistons-nous pas à un remake de 2002 avec une gauche si plurielle qu’elle ne sait plus autour de qui et de quelle idée se réunir ?

Pendant ce temps-là, à droite, se poursuivent les affrontements plus ou moins feutrés des ténors de l’UMP qui hésitent entre une ligne compatible avec le centre et une course effrénée pour rattraper les électeurs du FN. Et puis, il y a cette brouille au sein du clan Le Pen, laquelle survient peu de temps après la relative déconvenue de son parti aux élections départementales. Que le parti qui a, au plus haut point, le culte du chef s’agite autour de la figure même de celui qui l’a incarné, a quelque chose de pathétique. Mais cet épisode révèle aussi les fragilités d’un édifice qu’on croyait solidement bétonné et montre que la montée du FN n’est pas inéluctable. Au sein de ces trois grands pôles d’attraction, des lézardes apparaissent donc.

Si cela se produit, c’est qu’en réalité ce tripartisme affiché camoufle avec difficulté l’éclatement et l’instabilité de nos grandes familles politiques qui peinent à définir leur projet tant elles sont dominées par des considérations tactiques. Une instabilité qui est à la mesure du désarroi des Français et y contribue. Car, au fond, nous croyons les réformes nécessaires, mais nous voulons éviter d’en être les victimes ; nous sommes attachés à notre système de protection sociale, mais nous savons confusément que sans changement, il est moribond ; nous voulons un Etat qui nous protège, qui anticipe, qui éduque, qui coordonne, mais un Etat qui soit moins coûteux ; enfin, nous savons bien que notre avenir est européen, mais nous voulons une autre Europe. Bref, en apparence, nous voulons tout et son contraire. Dans ce contexte, nous ne croyons ni aux recettes usées, ni aux promesses chimériques. Il reste donc un espace pour une quatrième voie à la fois réformiste et modérée. Pour cela, il faut d’abord élaborer un projet. Et savoir ensuite qui aura à la fois le courage et la capacité de l’incarner.

Il est de la responsabilité des politiques de donner un cap, de tracer la route qu’ils nous proposeront. En 2012, F. Hollande avait soigneusement évité de le faire. Comme N. Sarkozy, d’ailleurs ! Trois ans après, on voit ce que cela donne… Vouloir jouer « 2012- la revanche », serait une erreur fatale. Les Français le savent. C’est la raison pour laquelle le tripartisme pourrait demain muer en quadripartisme…

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