Vertus monarchiques ?…

La reine est morte. Et la France regarde émue et fascinée le spectacle d’une Grande Bretagne à la vie rythmée, pour quelques jours, par les cérémonies, les hommages, les défilés de célébrités et d’anonymes qui se recueillent devant le royal cercueil. Mais pourquoi une telle fascination ? 

Bien sûr, nous sommes fascinés, avouons-le, par le faste suranné des rituels de la monarchie britannique dont certains remontent au Moyen-Âge. Il y a dans ces costumes d’apparat, ces cérémonies, les termes même qui sont employés à cette occasion, une étrangeté qui nous ramène à des temps révolus. Et pourtant, c’est ainsi que s’exprime la pérennité de cette nation. La longévité du règne d’Elizabeth II la rend encore plus tangible. Et nous nous interrogeons : qu’est-ce qui nous fait défaut, à nous Français, pour retrouver  cette forme de ferveur nationale qui dépasse bien des clivages sociaux et partisans, et que nous constatons au fil des reportages et interviews ? Assurément, nos rituels républicains, jusqu’aux défilés et aux bals du 14 juillet n’y parviennent guère ! 

Y aurait-il alors, de ce côté-ci de la Manche, comme le regret jamais avoué d’un rendez-vous raté ? Celui de la France avec la monarchie constitutionnelle. Un ancien ministre socialiste de François Mitterrand en a même fait l’éloge voici quelques jours sur un plateau de télévision ! C’est dire s’il y a parfois chez les républicains attachés à l’égalité plus qu’une nostalgie à l’égard d’un système mis à bas lors de la Révolution de 1789. En coupant la tête d’un roi, nous nous sommes interdits de revenir à la royauté et nous avons rejeté toute la symbolique qui s’y attachait. Il y a là comme une sorte d’impensé politique que la Constitution de la Vème République et l’élection du Président de la République au suffrage universel n’ont pas permis de résoudre. Le monarque républicain qu’est, d’une certaine manière, notre Président élu ne parvient jamais – et semble-t-il de moins en moins bien – à incarner la nation comme l’a fait la souveraine britannique. 

Alors serait-ce plus simplement une question de vertu ? Elizabeth II a témoigné, tout au long de son règne, d’un engagement total au service de la charge qui reposait sur ses épaules. Nul ne choisit sa naissance. Les enfants des princes pas plus que les autres. Et les devoirs qui leur incombent ne sont pas moindres. Mais certains ont compris que chacun de leurs gestes, de leurs propos, avaient une signification qui dépassait de loin leur propre personne. La reine Elizabeth était de ceux-là. Convaincue de la nécessaire exemplarité de ceux que la naissance avait désignés pour servir leur peuple, elle avait soumis jusqu’à sa vie de famille à cette exigence. Et les difficultés rencontrées ne l’ont jamais fait dévier de la ligne qu’elle s’était fixée. Le sens du devoir et de l’honneur, le courage, l’abnégation, le souci de rester au contact avec le peuple britannique malgré les nécessités du protocole, une foi profonde que rien n’a pu ébranler, la volonté indéfectible de ne jamais faillir à toutes les contraintes de sa tâche jusqu’aux tout derniers jours de sa vie sont des vertus trop rares pour ne pas être soulignées. 

Au fil des ans, sa silhouette nous était devenue familière. Pas seulement pour les adeptes de la presse people. Et si nous éprouvons aujourd’hui quelques regrets en la voyant disparaître, c’est aussi sans doute parce que les vertus qu’elle a incarnées nous semblent négligées, en particulier chez nos ”élites”. Et parce que d’une certaine manière, nous espérons toujours assister à leur restauration… 

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