Bonnet blanc et blanc bonnet ?

Le pire n’est pas certain. Mais il n’est pas exclu non plus ! Car enfin, peut-on sérieusement laisser croire qu’entre Le Pen et Macron, ce serait ”bonnet blanc et blanc bonnet” ? Non, nous ne sommes pas en 1969 où, lors du second tour de la présidentielle, le gaulliste conservateur Georges Pompidou affrontait le centriste Alain Poher ! Un affrontement sans risque pour notre démocratie. Oui, le communiste Jacques Duclos qui avait obtenu plus de 21% des suffrages au 1er tour pouvait alors inviter à l’abstention lors du second tour en renvoyant dos à dos les deux finalistes avec cette formule restée célèbre.

Sans doute peut-on comprendre le désenchantement de ceux qui ne se reconnaissent pas dans le choix qui s’offre à nous pour ce second tour. Mais ceux-là peuvent-ils se laisser guider par leur seul ressentiment ? Ont-ils seulement lu le programme de la candidate de la droite extrême ? En nous parlant de pouvoir d’achat, elle tente de faire oublier les mesures phares que contient son programme : réformes institutionnelles et changements profonds de notre état de droit qui menacent notre démocratie. En appelant ses chats à la rescousse, elle camoufle son dessein de repli frileux à l’intérieur de nos frontières, son abandon de toute ambition européenne dans une sorte de ”frexit” qui ne dirait pas son nom, son alignement sur la politique de Poutine… 

Enfumage ! La patriote qu’elle prétend être nous prépare un avenir médiocre, celui d’une province de seconde zone en échange d’une promesse d’ordre, et de reflux des ”étrangers” présentés comme la cause de tous nos maux. Enfumage encore celui auquel se sont livrés ceux qui comme Eric Zemmour, par la violence de leurs propos, l’ont fait apparaître comme une candidate modérée.  Enfumage enfin la dénonciation d’une ”dictature macronienne” dont le pass sanitaire serait l’expression la plus aboutie. Ceux qui ont tenu de tels propos devraient regarder du côté de Shanghaï pour comprendre la manière dont un pouvoir totalitaire gère la pandémie !..  

Qu’Emmanuel Macron ne soit pas exempt de reproche, c’est incontestable. Mais enfin, peut on sérieusement prétendre qu’il représenterait une menace pour nos institutions et notre démocratie ? A l’heure du bilan, ses erreurs, ses maladresses, son arrogance parfois comptent-elles autant que la menace de la prise de pouvoir par un clan qui réécrit l’histoire, occulte son passé vichyssois, ses complicités jamais démenties avec des groupuscules nazis et les factieux de l’OAS, les alliances nauséabondes qui l’accompagnent encore et toujours depuis des décennies ?  

Alors, Jean-Luc Mélanchon peut bien essayer de jouer à saute-mouton avec le second tour de la présidentielle en rêvant déjà à l’après législatives. En dédaignant le vote du 24 avril, il montre que seule l’intéresse l’OPA qu’il a déjà partiellement réussie sur la gauche et qu’il entend désormais élargir en se positionnant comme le seul opposant à celui ou celle que les urnes consacreront dimanche au soir. Et apparemment, peu lui importe que ce soit la candidate du pire. Décidément, il est des raisonnements à courte vue qui discréditent à jamais ceux qui les tiennent !

Alors- oui, il est temps de se rappeler ces vers du poème d’Aragon ”La rose et le réséda” écrit en 1943 :  

Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au coeur du commun combat”…

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