La démocratie en dangerS…

Ce n’est pas trop tôt ! Ce personnage provocateur, grossier, menteur, qui répand la haine est enfin privé de parole. Et les beaux esprits de se réjouir d’une telle décision ! Sauf que dans leur hâte à se débarrasser de l’encombrant Mr. Trump, ils commettent plusieurs erreurs. Des erreurs qui, autant que les rodomontades de celui qu’elles visent, constituent de sérieuses menaces pour la démocratie.

La politique de l’autruche est celle qui consiste à se mettre la tête dans le sable pour éviter de voir et d’entendre les menaces. C’est exactement ce à quoi aboutissent les décisions qui consistent à priver de manière permanente le Président sortant des USA de ses moyens d’expression favoris sur les réseaux sociaux. Car quelques jours après la sidérante attaque du Capitole par ses partisans, si les propos qu’il a tenus en public sont directement responsables des débordements violents auxquels nous avons assisté, il n’en reste pas moins qu’ils révèlent la face obscure d’une Amérique fracturée. Refuser de le voir, c’est non seulement s’interdire d’en prendre toute la mesure, c’est aussi se priver des moyens d’en comprendre les ressorts, mais c’est enfin et surtout lui donner des raisons supplémentaires de se poser en victime de la vindicte des élites politiques, médiatiques et économiques. Bref de renforcer la fabrique du ressentiment. Et, sous couvert d’étouffer un feu sous la cendre, d’en multiplier les braises.

La deuxième erreur consiste à penser qu’il s’agit d’une mesure salutaire. Bien sûr, on a de bonnes raisons de penser que l’hôte de la Maison Blanche jusqu’à ce 20 janvier est un fauteur de troubles. On peut ajouter qu’il a sciemment suscité la violence de ses partisans. Et ainsi affirmer qu’en le privant de ses moyens de communication privilégiés avec eux, on réduira sa capacité de nuire. Il n’empêche. L’atteinte à la liberté d’expression est si évidente qu’elle constitue, en elle-même une mesure anti-démocratique parce qu’elle vise un leader politique (quoi que l’on pense de celui-ci !). Que ne dit-on dès lors qu’il s’agit d’un opposant à Poutine, Erdogan ou Xi Jinping ! De plus, mesure inouïe, il s’agit ici d’un Président encore en exercice d’une grande nation…. Ajoutons au passage qu’il s’agit là de pudeurs bien tardives de la part de réseaux sociaux qui ont, des années durant, joué avec le feu, et qui continuent de le faire par ailleurs…

La dernière observation, et pas la moindre, à ce sujet porte sur le mode de décision qui a conduit à la suppression des comptes Twitter et autres de D. Trump. Qui a pris ces décisions et en vertu de quoi ? Les patrons de géants du web ? Des « comités d’éthique » (mais alors que n’ont-ils réagi plus tôt !) ? Et sur quelles bases : des décisions juridiques, une vague notion de ce que l’on appelle la décence commune ou encore des appréciations morales ? En réalité, nous avons assisté à des décisions d’une extrême gravité qui constituent de réelles menaces pour l’état de droit et la démocratie. Parce que prises en toute opacité, sur la base de critères pas définis, sans aucune procédure, ces décisions font fi du droit et de la justice. Et si l’on n’y prend garde, elles constituent le premier acte d’une privatisation d’un exercice qui devrait relever exclusivement de la compétence des autorités judiciaires. De ce point de vue, nous avons toutes les raisons d’être inquiets.

Sans doute les yeux sont-ils rivés vers Washington et la manière dont s’effectuera la transmission de pouvoirs à la Maison Blanche. Sans doute, les inquiets seront-ils rassurés par les déploiements dans le pays de la Garde Nationale chargée de protéger ses institutions. Sans doute, les manifestations des partisans de Mr. Trump seront-elles observées à la loupe tant leurs modes d’action et leurs effets sont aujourd’hui imprévisibles et constituent une réelle menace pour la démocratie. Mais l’on ferait bien de s’interroger sur le rôle de ces géants de la communication et des réseaux sociaux trop prompts à confondre leur fonction avec celle de censeurs. L’occulter au seul motif que le silence de Trump est un soulagement serait une faute. Les laisser faire, c’est leur remettre sans contrôle les clés de l’édifice démocratique des USA. Et du nôtre par voie de conséquence car ce qui vaut à Washington aujourd’hui s’appliquera sans aucun doute chez nous demain.

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