On a chopé la censure !…

Quelques extraits diffusés sur internet, une pétition lancée sur les réseaux sociaux et 145000 signataires plus tard, voilà un éditeur qui met un terme à la diffusion d’un livre. Quoi que l’on puisse penser de ce livre, faisons une simple constatation : plus besoin de textes de loi sur la protection de la jeunesse, plus besoin de magistrats pour dire le droit : le tribunal des réseaux sociaux suffit. 145 000 personnes qui ne l’avaient pas lu l’ont condamné au pilon. Et la sentence a été exécutée.

La décision de l’éditeur de se soumettre aux conclusions de cette pétition est d’une gravité sans précédent. Il n’y avait, ici, pas de risque de passer sous le coup de la loi comme les récents projets de réédition de « Mein Kampf » ou des écrits antisémites de Louis Ferdinand Céline. Avec la polémique sur « On a chopé la puberté », nous avons assisté à un diktat imposé par un groupe qui confond imposer sa propre vision de la féminité et lutter contre les atteintes faites aux femmes.

La méthode est simple : plus besoin de diffuser des notes de lecture critiques et argumentées dans les journaux. Pas besoin de mobiliser de grandes consciences du féminisme. Pas besoin de provoquer des débats dans les médias. Il suffit de lancer une pétition sur internet, de faire appel aux bons sentiments du public en exploitant sa méconnaissance du sujet, de surfer sur la vague créée par des révélations révoltantes et voilà la police de la pensée en marche ! Désormais, tout ce qui ne sera plus considéré comme sexuellement correct par certains groupes d’activistes subira cette censure new-look.

Peu importe qu’aucun texte de loi n’ait été violé : des auteurs ont porté atteinte à la bienséance en diffusant des clichés sexistes. Ils méritent l’opprobre. Circonstances aggravantes : le livre s’adressait aux jeunes filles et, pire encore, pour la dédramatiser, traitait de la puberté avec humour ce qui serait une preuve supplémentaire de sa perversité. Il mérite donc de disparaître !

Le plus étrange, c’est qu’un ouvrage dont la diffusion serait aujourd’hui à peine de l’ordre de 5 000 exemplaires ait subi cette forme de violence collective tandis que l’industrie pornographique prospère sur Internet sans susciter de mobilisation aussi vive de ces nouvelles ligues de vertu. Pourtant, l’image de la femme qu’elle véhicule est autrement plus dégradante ! Pourtant, on considère désormais que des milliers d’enfants y sont confrontés dès qu’ils atteignent une dizaine d’années ! On n’est donc pas à une incohérence près…

Le plus surprenant, dans cette affaire, le plus inquiétant peut-être, c’est l’absence de réaction des médias qui se sont contentés – pour ceux qui ont traité de cette affaire – de mentionner la décision de l’éditeur de manière lapidaire, sans autre commentaire. Manqueraient-ils de lucidité face à ce qui est désormais considéré comme un délit d’opinion ?

En d’autres temps, dans l’Allemagne nazie, les livres étaient brûlés dans des cérémonies d’expiation collective. Aujourd’hui pas de gouvernement autoritaire : nous sommes dans la France de 2018, celle qui va célébrer, paraît-il, le cinquantenaire de Mai 68, dont l’un des slogans était : « Il est interdit d’interdire ! » ! C’est la France qui, voilà trois ans, s’affichait « Charlie ». Cette France se déchaine aujourd’hui : depuis quelques mois, la délation est à l’œuvre, la censure s’installe… Nous aurions envie de crier : « Wolinski, reviens, ils sont devenus fous ! ». Mais pas sûr que Wolinski pourrait aujourd’hui publier tous ses dessins sans susciter l’acharnement de cette nouvelle police…

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