Avis de tempête !

A l’heure où les écoliers se remettaient au travail, médias et réseaux sociaux s’enflammaient pour un mot : fainéant ! Il y a quelques années, nous en étions au temps des petites phrases qui, tirées de leur contexte, faisaient le buzz. Aujourd’hui, tragique réduction du domaine de la réflexion, on ne prend même plus la peine d’écouter la phrase, on ne cherche pas le sens du propos, on se contente de prendre un seul mot et de l’agiter en tous sens pour faire polémique !

Beau progrès, bel exemple pour nos élèves ! Et vous voudriez qu’ils consacrent un peu de leur temps à l’analyse de textes, qu’ils éprouvent de l’intérêt pour la réflexion, qu’ils maîtrisent les subtilités de la langue ? Rude tâche pour leurs enseignants, quand la société et les médias font exactement l’inverse, donnant l’exemple de la paresse intellectuelle !

A peine cette polémique était elle balayée par les vents mauvais d’Irma, qu’un nouveau sujet revenait dans l’actualité : la PMA pour toutes. A en croire ses promoteurs, ce ne serait que justice que de permettre à toutes les femmes sans distinction de préférence sexuelle, et sans qu’il soit tenu compte d’une quelconque infertilité pathologique, de pouvoir accéder à ce « droit » d’avoir un enfant sans être contraintes de faire un coûteux détour par la Belgique ou l’Espagne. Pour le coup, nous voilà sur un sujet sérieux, de ceux qui peuvent, si l’on n’y prend garde, faire descendre dans la rue des milliers d’opposants, refaire l’unité des conservateurs de tout poil contre un gouvernement qui se qualifierait de moderniste : avis de tempête en prévision !

Bien sûr, les promoteurs de cette PMA pour toutes n’ont pas oublié que même si l’on prétend agir sur ce sujet de manière « apaisée *», leurs opposants ne sont pas prêts à laisser refaire le coup de la loi Taubira sans se mobiliser. Lors du Pacs, on nous avait dit : « non, ce n’est pas un mariage homosexuel ». Lors des débats sur le mariage de personnes de même sexe, on nous a dit : « ni PMA ni GPA ». Et maintenant on nous dit : « rassurez-vous : la GPA, pas question ». Cette fois on prétendra, aussi, pour rassurer les braves gens qui n’y verront que du feu, que ce droit opposable à l’enfant ne nous enlèvera aucun droit et permettra seulement à celles qui en sont privées d’en disposer. La belle affaire !

Oubliés les débats sur la révision du code du travail, oubliée l’opposition irréductible des anti-libéraux à l’égard du gouvernement : voilà un sujet qui permettrait de refaire l’unité des libéraux-libertaires et des anti-libéraux : on n’est pas à un paradoxe près !.. La voilà l’opportunité rêvée de stigmatiser et de caricaturer une fois de plus ces cathos-ringards nostalgiques de la famille d’autrefois, ces tradis issus des beaux quartiers de Versailles-Neuilly-Passy ! D’autant que pour faciliter les choses, on prend soin d’écarter la question qui fâche le plus, celle de la GPA, cette grossesse pour acheteurs qui révulse nombre de féministes au motif qu’il s’agit d’une merchandisation du corps de la femme.

Cependant, ce qui est en cause, ce n’est ni la considération que l’on porte aux couples homosexuels, ni une prétendue égalité des droits. C’est le fait de prétexter l’égalité pour réclamer, au profit d’une catégorie (quelque respectable qu’elle soit) l’instauration d’un droit qui n’existe pas. C’est le fait de décider par la loi de priver un enfant de père comme la GPA serait une manière de le priver de sa mère. C’est le fait d’instaurer une inégalité entre les enfants qui ont un père et ceux qui en seront légalement privés. Au final, c’est donc la considération que l’on porte aux les êtres les plus fragiles, ceux qui ne peuvent s’exprimer et qui, de ce fait, on le plus besoin de la protection du droit : les enfants.

En outre, comment pourra-t-on, au nom même de l’égalité, s’opposer demain à la GPA pour les couples d’hommes alors que l’on aura créé un droit à l’enfant opposable pour les couples de femmes ? Dans les deux cas, une même logique est à l’œuvre : le désir est roi, l’enfant devient non seulement un droit, mais l’objet d’un trafic. Trafic de gamètes dans le cas de la PMA pour toutes puisqu’aujourd’hui, le nombre de donneurs de sperme est insuffisant pour répondre à la demande (ce qui pourrait ouvrir la voie pour une « rémunération » de ces donneurs) ; trafic d’enfants et location d’utérus dans le cas de la GPA.

Si l’on en croit l’avis du Comité consultatif national d’éthique en date du 15 juin dernier, cette ouverture de la PMA à toutes les femmes « se concevrait pour pallier à une souffrance ressentie du fait d’une infécondité » due à des orientations personnelles. Comment oublier que cette phrase, à elle seule, servira, au sujet des couples d’hommes, d’argument aux promoteurs de la GPA lesquels dissimulent leur business derrière des considérations sur une pseudo « GPA éthique » ?

Alors, il faudra bien un jour mettre sur la table les questions d’argent. Car tout cela occulte le fait que la PMA est aussi un marché très lucratif ! Et dans le débat, il faudra se poser – au nom de l’égalité – la question du remboursement de la PMA par la Sécurité sociale, sinon, ce sera juste le luxe de celles qui en auront les moyens. En faisant observer que dans le cas de couples de femmes, l’infertilité n’est pas pathologique mais résulte d’une orientation personnelle, cela ouvrirait des droits à remboursement pour une multitude d’autres interventions et actes qui ne répondent pas à un besoin thérapeutique. En période de tension budgétaire, bon courage à ceux qui, pour des raisons d’équilibre financier, devront ensuite annoncer le déremboursement de certains médicaments !…

Dans les débats qui s’annoncent, les fainéants seront ceux qui sans se soucier des questions de fond, sans se soucier de savoir dans quel monde cela nous entraîne, choisiront la facilité qui consiste à se réfugier derrière un prétendu principe d’égalité ou l’argument selon lequel d’autres pays l’ayant fait, il n’y a pas de raison de ne pas faire comme eux. Faire des bêtises au motif que son voisin les a faites est un argument que même un écolier attardé n’oserait plus avancer !..

* « Agir de manière apaisée » : ce sont les termes employé par le candidat Emmanuel Macron à ce sujet lors d’une interview à la Croix le 13 mars dernier.

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