La récupération ou comment recycler les idées neuves…

Nous vivons un étrange paradoxe. L’élection du Président de la République au suffrage universel est la clé de voûte de nos institutions. En est-elle aussi le maillon faible ? Elle a assuré à notre pays une stabilité gouvernementale que n’avaient pas été capables de lui apporter la IIIème et la IVème Républiques. Mais nous en mesurons aujourd’hui les effets pervers dans l’incapacité d’un Président de la République à donner du sens à son action, celle de nos gouvernants à réduire les fractures de la société française, et celle de nos partis politiques à susciter la confiance.

Nous connaissons si bien ces effets que l’on peut parfois se poser la question : faut-il supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ? Une telle idée est incompatible avec l’idée que nous nous faisons de la démocratie car comment prétendre l’améliorer en limitant l’expression des citoyens ? Elle se heurte ensuite au fait que cette élection est précisément celle qui mobilise le plus les électeurs. Si l’abstention connaît des taux particulièrement élevés pour les autres scrutins, celui-là connaît des records de participation. Alors comment dépasser ce paradoxe ?

Nombre de nos concitoyens semblent désormais convaincus de l’impossibilité pour notre système politique de se réformer de l’intérieur. Beaucoup d’entre eux sont persuadés que la réponse viendra de la société civile, de sa capacité à formuler des propositions. Faut-il alors voir, dans le mouvement qui se dessine en faveur d’une primaire citoyenne, dans la « Primaire des Français » que viennent de lancer divers mouvements, ou dans le collectif « Nuit Debout », les embryons d’une telle rénovation ?

Place de la République, une nouvelle manière de débattre s’instaure. Sauf que se plaindre d’un pouvoir, manifester sa colère, se rassembler contre un projet de loi et, dans le même temps, se refuser à porter des revendications pour éviter de devoir négocier, ne suffisent pas à créer un grand dessein collectif. Et si certains y retrouvent ce qui a contribué aux succès de Podemos et de Ciudadanos, encore faudrait-il ne pas oublier qu’en Espagne, précisément, ces partis sont aujourd’hui empêtrés dans leurs contradictions au point de ne plus ouvrir de perspectives politiques et de priver leur pays de gouvernement.

L’Histoire nous a aussi appris que faute d’être capables d’esquisser l’avenir, ce ne sont qu’errements et tourments qui nous attendent…

Sommes nous donc réduits à attendre « l’homme providentiel », celui (ou celle) qui saura faire écho à l’impatience de nos concitoyens ? Celui qui saura éviter à la fois la condescendance à l’égard de démarches qui peuvent paraitre utopiques et les pièges de la bipolarisation auquel nous condamnerait l’élection présidentielle ? Ou bien devrons nous nous résigner aux tâtonnements auxquels nous réduirait notre incapacité à faire émerger des solutions d’avenir ?

Aujourd’hui, nombre de nos dirigeants politiques reconnaissent la nécessité de rénover notre démocratie. Certains avancent à petits pas sur cette voie. On a envie de leur dire : « plus vite, plus loin » ! Il faudra bien qu’ils renoncent à certaines de leurs habitudes et de leurs prérogatives passées. Qu’ils écoutent ce qu’ont à dire les citoyens au lieu de s’écouter parler !… Qu’ils prennent en compte des idées neuves, non dans une perspective électoraliste, mais bien pour leur donner une traduction concrète ! II faudra aussi que nous, citoyens, nous nous montrions à la hauteur de cette exigence, ce qui signifie accepter de remettre en cause des situations acquises et nos propres certitudes, faire preuve de tolérance dans le débat et de capacité à accepter des compromis, ne pas craindre enfin la récupération. Car, après tout l’essentiel n’est-il pas d’irriguer la politique avec des idées neuves ? En somme, faire preuve de maturité démocratique !

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