Le « Front Républicain », un médicament périmé…

Une élection partielle, une polémique. Fallait-il donc consacrer autant de temps au « Front Républicain » ? Non que l’enjeu (un siège de député qui ne change rien aux équilibres politiques) n’en vaille pas la peine, mais parce que la question posée est largement dépassée.

Le Front Républicain vise à réunir les grandes formations politiques pour empêcher un parti qu’elles jugent incompatible avec les valeurs républicaines d’emporter une élection ou d’accéder au pouvoir. Un principe qui, par précaution, exclut du jeu une formation politique, la met au ban de la société démocratique. Il a eu son heure de gloire entre le 21 avril et le 5 mai 2002 lorsqu’il a fait barrage à Jean-Marie Le Pen pour le 2ème tour de l’élection présidentielle.

Ce principe repose d’abord sur un jugement moral. Il présuppose ensuite une discipline de vote des électeurs. Il aboutit enfin à un mécanisme de rejet de certains électeurs. Or, si ce « Front Républicain » a fonctionné en 2002, c’est parce qu’il correspondait à une situation politique bien particulière. Vouloir maintenant le remettre en vigueur n’a pas de sens. En effet, la situation de 2015 n’a plus rien à voir, car le parti de la famille Le Pen est aujourd’hui (et pas seulement en intentions de vote, on l’a vu lors des municipales et des européennes…) le premier parti de France en nombre d’électeurs. Décréter son exclusion du jeu démocratique au motif qu’il ne serait pas fréquentable est une faute car cela traduit le mépris que l’on porte à environ un tiers du corps électoral ; une faute aussi parce que c’est considérer les électeurs comme des « moutons » qui suivraient aveuglément les consignes de vote des états-majors. Et l’on sait désormais qu’il n’en est rien. Tant mieux !

Mais derrière cette polémique et le jeu de cache-cache auquel elle a donné lieu, la vraie question reste posée : quelle réponse politique – et non morale – apporter à la progression et à l’enracinement du vote FN ? Certains, à gauche, se sont réfugiés dans l’incantation : « hors du Front Républicain, point de salut », comme pour éviter d’y répondre ! D’autres, à droite, ont tenté maladroitement de sortir du piège où ils avaient été entraînés sans y parvenir vraiment.

Quand le FN n’était que le trublion qui a fait sensation un soir d’avril 2002 et faisait quelques élections (voire gagnait quelques sièges) à la faveur d’élections triangulaires, la question politique ne se posait que de manière accessoire. Aujourd’hui, son poids dans l’électorat nécessite une réponse politique, d’une toute autre nature que l’argument moral employé à son encontre et dont on sait qu’il ne marche plus.

Le « Front Républicain » apparaît donc comme un médicament périmé. Avoir voulu le réutiliser pour se protéger d’une maladie grave n’est au fond que le double aveu d’un déni de ce mal et d’une incapacité à en traiter les causes.

Dans cette affaire, on pourrait se satisfaire que le candidat socialiste l’ait emporté dans le Doubs ce 8 février. Mais son élection – de justesse avec à peine plus de 51% des voix – ne fera pas illusion. Car elle est trop juste pour crier victoire. Elle est trop courte pour penser que le résultat inverse n’aurait pu arriver. Elle est trop étriquée pour oublier qu’un résultat identique à l’échelle nationale, aux élections présidentielles, ne peut plus être exclu. Et qu’il jetterait notre démocratie dans une crise sans précédent.

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