Jour J… pour l’Europe ?

Il y a comme un étrange écho que se renvoient les deux événements de cette semaine. D’un côté, nous célébrons le 80ème anniversaire de la plus formidable opération militaire de tous les temps qui a permis la libération de l’Europe et créé une immense espérance collective de fraternité entre les peuples. De l’autre nous allons voter pour des élections européennes où, si l’on en croit les sondages, la tendance au repli sur soi devrait l’emporter. Au risque d’occulter le menaces qui s’accumulent au-dessus de notre continent. 

C’est parce que le 6 juin au matin des milliers d’hommes son venus mourir sur nos plages, que notre continent a vécu des décennies de liberté, de paix et de prospérité. C’est parce que d’autres hommes ont tiré les leçons de l’histoire qu’ils ont donné une impulsion décisive à la constitution d’une Europe qui avait le bien commun pour objectif. Et aujourd’hui, nous voudrions laisser de côté ces bienfaits de notre histoire ?

Voilà plus de 80 ans, la peur de la guerre et l’irrésolution, la mollesse et l’impréparation, la naïveté et, pour tout dire, la lâcheté des dirigeants de nos démocraties européennes l’emportaient donnant à l’Allemagne nazie l’opportunité d’imposer son pouvoir sanguinaire à toute l’Europe et faire son oeuvre de mort. En voulant préserver la paix, nos dirigeants de l’époque ont ainsi accru durablement les souffrances des peuples.

Voilà 80 ans, il aura fallu attendre que le Japon attaque les USA à Pearl Harbour et que l’Allemagne leur déclare la guerre quelque jours plus tard, en décembre 1941, pour que les américains sortent de leur splendide isolement. En proclamant que rien ne valait  de risquer une vie américaine dans une querelle qui ne les concernait en rien, les dirigeants des USA ont manqué de lucidité, retardé l’échéance et, au final, sans doute payé un plus lourd tribu pour ramener la paix en Europe.

Aux portes de l’Union européenne, des peuples aspirent à plus de démocratie. Et pour se libérer de la férule de leur puissant voisin russe, ils regardent avec envie l’espace de respect des droits humains et de prospérité que nous avons bâti au sein de l’Union européenne. Et nous ferions la fine bouche, considérant que les erreurs commises, les imperfections du système justifieraient que l’on jette le bébé avec l’eau du bain ? Qu’il faille revoir le fonctionnement de nos institutions européennes, qui en douterait ? Qu’il faille remettre la préoccupation sociale au coeur du projet européen, c’est aujourd’hui redevenu une évidence. Et pour cela, il ne faut plus se satisfaire des règles d’un grand marché auxquelles on se soumet sans discernement en oubliant que derrière les chiffres, il y a toujours des femmes et des hommes à protéger, des territoires à préserver. Cela justifie-t-il pour autant que l’on accuse l’UE de tous les maux ?

Aujourd’hui, nous avons redécouvert que l’Histoire pouvait être tragique. Alors, ne faisons pas à ceux qui ont versé leur sang sur nos plages, dans le bocage normand et jusqu’à Berlin, l’injure de penser que la Liberté qu’ils ont chèrement payée, ne mériterait aujourd’hui que notre indifférence. Le reste du monde nous envie cette liberté. De tous les continents, des femmes et des hommes qui aspirent à une vie meilleure et plus libre tentent de rejoindre notre Europe. Et pour cela ils risquent leur vie. Alors faudrait-il que notre vote jette à la face du monde le message affirmant que notre espace de liberté ne vaut plus rien à nos yeux ? 

Pour paraphraser le général de Gaulle, rien ne sert de s’agiter comme des cabris en criant ”souveraineté, souveraineté ” et oublier que nous ne sommes plus en 1965 ! Dans un monde dont les équilibres sont en train de changer profondément, notre avenir n’est pas dans un repli sur soi qui transformerait notre nation en une région devenue quantité négligeable au regard des puissances qui émergent. Seule l’Europe nous permettra de peser dans le monde de demain. Et la France a tout à gagner à en être un acteur majeur. Il n’y a pas pour nous d’avenir dans un Frexit relooké à la mode 2024. Ne l’oublions pas !

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