Sortir de la confusion…

Le pire n’est pas certain. Il n’est pas exclu non plus, tant il est vrai que la confusion la plus grande règne dans les esprits. Un leader de la gauche radicale éprouve les plus grandes difficultés à faire la différence entre la candidate d’un parti d’extrême droite et un centriste. Un ex-candidat se réclamant du gaullisme passe alliance avec le parti qui réunit ceux qui, dans les années 60, n’avaient de cesse que de vouloir abattre le général De Gaulle. Des responsables se réclamant du christianisme appellent à voter pour celle qui, il y a peu, affichait son mépris à l’égard de ces curés qu’elle enjoignait à « rester dans leurs sacristies ». A droite comme à gauche, certains responsables politiques préfèrent le silence ou des contorsions verbales pour éviter de devoir prononcer le nom de celui qu’ils ont combattu…

La liste est longue de ces fractures, de ces haines et de ces pertes de repères qui sont la marque de la décomposition politique sur laquelle prospère aujourd’hui l’extrême droite.

Si dans une semaine les électeurs écartent le pire, il nous restera à surmonter la division et la confusion. Cette campagne aura, en effet, été marquée par une violence verbale encore jamais atteinte. Sans doute une campagne électorale conduit-elle tout candidat à se distinguer de ses adversaires. De là à s’en distinguer jusqu’à la caricature, il n’y a qu’un pas qui a été vite franchi ! A quelques jours du second tour, force est de constater que c’est ce qu’ont fait, des semaines durant, la quasi totalité des autres candidats qui ont visé Emmanuel Macron et négligé de cibler celle qui, disent-ils aujourd’hui, serait une catastrophe absolue pour la France.

Comment s’étonner alors que l’agressivité dont ils fait preuve soit exploitée par des militants et des sympathisants qui ne reculent devant aucune injure, aucune attaque personnelle, jusqu’aux plus basses ? Comment ces responsables politiques peuvent-ils espérer ensuite recoller les morceaux et inviter les foules qu’ils ont chauffées à blanc, à voter pour celui qu’ils n’ont eu de cesse de prendre pour cible ? Comment ne pas comprendre que les abstentionnistes déclarés ou ces électeurs qui voteront blanc ou nul trouvent une facile justification à leur comportement dans ce déchaînement auquel se sont livrés leurs favoris du premier tour ?

Etrange absence de clairvoyance qui a conduit des candidats à adopter une stratégie jusqu’au-boutiste, faisant peu de cas des nécessaires rassemblements pour le second tour ! Etrange perte de repères qui amplifie le discrédit de la parole politique puisque nous voilà sommés de voter pour celui qui était la cible de toutes les attaques ! A cela s’ajoute l’affaiblissement de l’éthique publique, à la disparition progressive de l’intérêt général derrière la défense d’intérêts particuliers ou la promotion de droits catégoriels qui ont marqué notre vie publique ces dernières années. Comment s’étonner que notre édifice démocratique dont on avait oublié la fragilité ait été peu à peu ébranlé ? Comment s’étonner qu’il nous apparaisse aujourd’hui lézardé au point d’exiger d’urgents travaux de refondation ?

Une démarche de recomposition politique est plus que jamais nécessaire. Or, il ne nous en est proposée qu’une qui soit pleinement démocratique : celle entreprise par Emmanuel Macron. Comme bien d’autres, il a compris le processus de décomposition qui était à l’œuvre. Mais plus et mieux qu’eux, il aura su l’exprimer. Seul, il aura osé s’affranchir des frontières partisanes et bâtir du neuf sans s’embarrasser du vieux, faisant au mieux passer les incrédules de droite comme de gauche, pour d’aimables ringards. Seul, il aura osé incarner un projet qui s’appuie sur ce constat et propose de le dépasser.

C’est ce qui, jusque-là, a fait son succès. Il lui reste pour l’emporter à le confirmer par une attention plus vive encore à l’égard de tous ceux qui se vivent comme des victimes des mutations en cours. Puis il lui faudra ouvrir des perspectives qui les sortiront de leur désespérance et prendront à contre-pied ses adversaires d’hier. Faute de quoi ses transgressions n’auront été que la marque d’une certaine insolence et son mouvement, une illusoire aventure individuelle.

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