Le pouvoir et la loi, la haine et le mépris

Tout pouvoir confronté durablement à une période de troubles subit la tentation de l’autoritarisme. Au risque de s’y perdre. Le nôtre n’échappe pas à la règle et, de loi liberticide en usage irraisonné de la force pour réprimer les désordres, la violence et le vandalisme, il en arrive au point où, bien qu’il se proclame libéral, il tombe dans le piège que lui tendent ses adversaires. Ceux qui n’ont d’autre attente que de le mettre face à ses contradictions, dans une logique qui ressemble furieusement à celle des terroristes.

Mais si, de semaine en semaine, nous en arrivons à un tel constat, c’est aussi parce que d’une ville à l’autre, on ne compte plus les vitrines brisées et les magasins pillés. C’est parce que des populations sont inquiètes à l’annonce de rassemblements qui vont se produire sur leur territoire. C’est parce qu’elles sont ensuite atterrées face aux dégradations subies, tandis que le spectacle de ces violences à répétition qui tourne en boucle sur nos écrans stupéfie le monde et réjouit ceux qui, de Moscou à Ankara ou Pékin, n’ont que mépris pour notre démocratie.

Force doit rester à la loi, affirme-t-on. Mais quoi qu’il arrive, certains restent désespérément sourds à l’appel à la raison et au calme. Ils ont posé des revendications. Nombre d’entre elles ont été entendues, ce qu’ils n’ont manifestement pas compris car ils veulent plus encore. Ils réclamaient de l’écoute et de la considération. Il leur a été répondu par un débat auquel ils n’ont pas vraiment voulu participer laissant à d’autres le soin de prendre la parole. Et pendant ce temps, un Président légitimement élu mais en quête de popularité s’est lancé dans un exercice qui ressemble parfois à un navrant marathon d’auto-justification.

Nous en sommes donc réduits à assister à cette étrange spirale qui conduit les uns à ne plus écouter qu’eux-mêmes, convaincus qu’ils sont dédaignés. Aujourd’hui, ces femmes et ces hommes persistent à exiger sans que l’on ne sache plus très bien ce qu’ils réclament. Ils sont enfermés dans le mépris qu’ils affichent pour les « élites » et ceux qui ne pensent pas comme eux. Ils sont prisonniers de leur propre haine à l’égard de nos gouvernants comme de la police. En face, le pouvoir quant à lui, se livre à une action répressive dont la brutalité est parfois pour le moins disproportionnée, comme pour montrer qu’il est et restera le plus fort. En même temps, il s’est lancé dans un exercice de débat démocratique dans lequel il aura nécessairement (qui pouvait en douter ?) le dernier mot.

Désormais, des manifestants blessés lors d’une manifestation interdite sont considérés comme des martyrs par ceux qui jamais ne condamnent violences et débordements et, de ce fait, les encouragent. Désormais, il faudrait, selon les mêmes, considérer qu’un kiosque à journaux ou un restaurant incendiés ne sont que la conséquence de l’inaction des forces de police dont, dans le même temps, ils réclament le retrait. Et nombreux parmi eux sont ceux qui estiment que les forces de l’ordre devraient neutraliser les « black blocks » auteurs désignés des violences, ces mêmes « black-blocks » qu’ils ne dédaignent pas d’accueillir dans leurs manifestations ! Preuve s’il en était besoin, que la haine ne fait pas bon ménage avec la cohérence…

Peu importe que l’on peine à comprendre les raisons de la poursuite de semaine en semaine de ces manifestations : manifester est un droit. Mais observons que derrière la violence et le vandalisme qui les accompagne de manière quasi-systématique, se cachent les partisans de la stratégie de la tension, les tenants de la « conflictualisation », et les adeptes de tous les totalitarismes.

Dans ce contexte, les slogans les plus simplistes fleurissent. Les amalgames les plus stupides et les comparaisons les plus abjectes se répandent sur les réseaux sociaux, comme ces images établissant un parallèle entre les véhicules de la gendarmerie stationnés sur les Champs-Elysées, ou encore le nom du nouveau Préfet de Police de Paris et les troupes allemandes défilant à proximité de l’Arc de Triomphe entre 40 et 44. Une comparaison qui, à elle seule, est une insulte à ceux qui ont payé de leur vie leur résistance à l’occupant nazi. Au-delà des violences policières, qui peut sérieusement croire que notre pays est aujourd’hui une dictature ? Pourtant, certains s’en sont persuadés. Mais ne soyons pas naïfs : sans doute cela va-t-il préparer les esprits à ces lois liberticides dont se réjouissent en secret ceux qui attendent, le moment venu de tirer les marrons du feu ?…

La haine se nourrit d’elle-même, confortée par l’impression du dédain que nos gouvernants semblent parfois exprimer à l’égard de ceux qui le contestent. La rue est le territoire où se rencontrent cette haine et ce mépris réciproques et rien ni personne n’est aujourd’hui en mesure de stopper ce mouvement proprement infernal. Au train où vont les choses, les plus radicaux de ceux qui contestent ainsi l’action du gouvernement finiront par susciter dans l’opinion un soutien aux mesures les plus brutales, aux lois les plus répressives que le pouvoir serait tenté de prendre et contre lesquelles il nous faut pourtant nous insurger pour peu que l’on soit attachés à l’état de droit.

Nous voilà donc otages de l’obstination et de la bêtise de quelques uns autant que d’un pouvoir qui ne parvient pas à trouver la bonne mesure pour assumer son rôle. Nous sommes les spectateurs impuissants de ce sinistre manège qui n’en finit pas. C’est juste à pleurer !…

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