Tous Noé ?…

Il fut un temps où les hommes croyaient en Dieu. Enfin, pas tous… Et il fut un temps où Dieu croyait en l’Homme. Mais Il les savait portés vers le mal. Un mal qu’Il voulait éradiquer en provoquant le déluge. Au moment de se lancer dans cette fatale entreprise, Il en trouva pourtant un qu’Il savait fiable et à qui Il confia une double mission : sauver l’humanité et la biodiversité. Cet homme s’appelait Noé. Sauver l’humanité en préservant ses fils et ses belles filles du grand cataclysme. Sauver la biodiversité en accueillant à bord de son arche des couples de chaque espèce vivante sur la terre afin d’assurer leur reproduction future. Cette belle histoire est le signe que la nature nous est confiée, que son avenir est entre nos mains.

Aujourd’hui, le grand cataclysme qui se prépare n’est pas un déluge, fruit de la colère d’un Dieu déçu. C’est la destruction de la vie du fait des activités humaines. La pollution de l’air, la diminution du nombre des oiseaux, la mort des abeilles, la disparition d’espèces parce que sans cesse nous détruisons leur habitat, l’exploitation sans limite des ressources de la terre et de la mer, empoisonnées par le rejet de nos déchets… C’est la conséquence d’un aveuglement qui nous fait croire que pour nourrir et donner du confort aux sept à huit milliards d’hommes qui peuplent notre planète, il faudrait sans cesse produire et consommer toujours plus, permettre l’enrichissement sans frein de quelques nantis sur le dos du plus grand nombre, et toujours raisonner en pensant « après moi le déluge ». Parce qu’en refusant toute idée d’austérité, nous accumulons des dettes financières et écologiques. Parce que nous consommons chaque année bien davantage que ce que notre planète peut produire, au risque de l’épuisement programmé de ses ressources.

Dieu a-t-il cessé de croire en l’homme au point de n’en trouver aucun qui parviendra à sauver ce qui fait la richesse de notre planète : la vie ? Savait-Il qu’en nous laissant libres, nous allions faire le mal au point de détruire ensemble ce qui nous nourrit et nous fait vivre ? Regrette-t-Il finalement de nous avoir confié la nature en nous donnant le pouvoir de la dominer ?

Ce Dieu ne peut être que le spectateur navré de nos inconséquences ! En réalité, la tâche est aujourd’hui trop lourde pour qu’un homme puisse à lui seul mener à bien le chantier de la sauvegarde de la planète, de la nature, et de l’humanité. Soit nous serons tous Noé, ce qui ne se limite pas à descendre dans la rue pour dire « yaka » ou crier « faukon », mais implique de remettre en cause très profondément notre mode de vie. Soit il n’y aura pas de nouveau Noé et nous laisserons derrière nous une planète sans vie, astre mort, marque de notre orgueil et de notre aveuglement, de notre légèreté et de notre cynisme. Triste héritage, en vérité, que celui que nous laisserons alors à nos enfants et aux enfants de nos enfants. Et ne croyons pas que cet avenir sinistre sera le lot de générations tellement lointaines que nous pourrions nous installer dans l’indifférence à leur égard. Ce sont nos propres petits-enfants qui auront à gérer le cadeau empoisonné que nous leur aurons laissé. Alors, tous Noé ?

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