L’Europe ? Même plus en rêve ?…

Alors qu’à Valence en Espagne, débarquaient épuisés les migrants recueillis par l’Aquarius, un « Axe » des ministres de l’Intérieur hostiles à l’immigration était constitué. Il rassemble, dans un premier temps, ceux d’Italie, d’Autriche et d’Allemagne. Ce groupe de ministres qui pourrait, semble-t-il, être rejoint par ceux des Pays Bas et du Danemark se retrouve à peu de choses près sur la même ligne politique que celle qui a été adoptée par le « groupe de Visegrad », lequel rassemble la Hongrie de Viktor Orban, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie.

On pourra toujours se rassurer en constatant que sur 27 états-membres de l’Union, cela ne fait pas la majorité, tant s’en faut. Pourtant, il y a là comme le symptôme d’un désastre moral. Et il n’est pas sûr que l’annonce, ce mercredi par Emmanuel Macron et Angela Merkel, d’un budget et d’une nouvelle forme de gouvernance de la zone Euro pour 2021 suffise à dissiper le malaise.

Il y a belle lurette, en effet, que l’Europe ne fait plus rêver que les peuples qui n’en font pas partie. A Bruxelles, un déficit démocratique et l’absence de projet au sein de l’Union semblent laisser les rênes à une administration qui paraît auto-centrée et déconnectée du réel. A Londres, les britanniques ont pris la tangente. A Madrid, Lisbonne ou Athènes, la priorité est de sortir du marasme auquel les ont condamnés des plans d’austérité destinés à combattre une dette déraisonnable. Outre-Rhin, Angela Merkel est menacée par la pression que l’extrême droite exerce sur ses propres amis politiques. En Italie, l’improbable conjonction des populistes anti-système et de l’extrême droite permet à cette dernière de mener un travail de sape contre l’UE. Dans les démocraties issues du bloc de l’Est, se sont installés des pouvoirs « illibéraux » qui se fichent comme d’une guigne des valeurs sur lesquelles a été fondée l’Union. Et pendant ce temps, à Paris, on rêve toujours de réécrire la partition pour sortir de la cacophonie, que ce soit sur la gouvernance de la zone Euro, le commerce ou l’immigration…

Aujourd’hui, sur d’autres continents, l’Europe fait envie. D’abord, parce qu’elle a su transformer une terre où se sont déroulés les pires massacres que l’humanité ait connu en havre de paix. Ensuite, parce que les puissances économiques qui la composent connaissent malgré tout la prospérité et parce que leurs populations bénéficient d’un niveau de confort et de services collectifs inégalés. Enfin, parce qu’elle est, malgré toutes les critiques formulées, un espace de liberté démocratique que nous jalousent bien des peuples qui en sont privés.

Oui, l’Europe ne nous fait plus rêver, incapables que nous sommes de rêver pour elle. Nous avons oublié les guerres qui ont ensanglanté notre continent. Nous mesurons la richesse économique dont nous disposons à l’aune des inégalités qui persistent. Nous faisons la fine bouche estimant que nos gouvernements démocratiquement élus gouvernent contre le peuple. Et nous avons peur. Peur de perdre nos emplois, notre protection sociale, nos retraites, notre culture… Et cette peur nous a fait perdre de vue que c’est sur notre continent que sont nés la démocratie et les droits de l’homme.

Alors, peu à peu, le rejet de l’immigration devient le seul point commun d’une Europe en panne de projet et en quête d’unité. Dans un an, les élections européennes seront-elles celles du sursaut ou celle du repli ? Les frontières que nous avons mis tant d’années à abolir pour faciliter les échanges, pour que circulent les hommes et les idées vont-elles être remplacées par les murs qui sont déjà dans bien des têtes ?

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