Recomposition – décomposition…

Ils sont nombreux, ceux qui détestent le béarnais qu’ils estiment responsable de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012 parce qu’il avait déclaré qu’il voterait à titre personnel pour François Hollande. Ils sont nombreux, ceux qui détestent cet ancien banquier passé par Bercy où, emporté par un libéralisme effréné et dans l’ignorance de la réalité, il avait engagé une série de réformes, visant notamment des professions réglementées. Les uns et les autres considèrent qu’ils ont trahi. Le premier, la droite à laquelle il était allié depuis des années. Le second, le Président de la République qui l’avait pourtant promu.

Oui, mais voilà : les uns et les autres auraient tort de ne voir en François Bayrou et Emmanuel Macron que deux traitres à leurs causes car, après tout, nous pourrions tout aussi bien considérer à l’inverse qu’ils ont été fidèles à leurs propres convictions : le centriste François Bayrou en abandonnant un Nicolas Sarkozy engagé dans une dérive jugée préoccupante, puis un François Fillon résolument ancré à droite ; Emmanuel Macron, en quittant un François Hollande trop pusillanime pour aller jusqu’au bout d’une logique réformiste qu’il semblait pourtant appeler de ses vœux.

L’alliance qu’ils ont concrétisée pourrait bien constituer l’une des prémices d’une recomposition politique qu’après tout nombre de Français réclament. Bien sûr,  on peut s’interroger sur la nature et les limites de la recomposition initiée par un tel rapprochement. D’une part, on ne manquera pas de rappeler que François Bayrou a tant fait le vide autour de lui qu’à l’exception d’un irréductible carré de fidèles, l’essentiel de ses troupes de 2007 se retrouve aujourd’hui « En Marche ». D’autre part, on restera perplexe face à certains ralliements engrangés par Emmanuel Macron car il n’est pas sûr qu’un simple recyclage d’élus socialistes en quête d’un nouveau parrain pour conserver leur siège aux législatives trouve grâce aux yeux des Français.

Mais les irréductibles ennemis de ce duo seraient bien inspirés, non seulement de se rappeler qu’il ne faut jamais insulter l’avenir, mais aussi et surtout de s’interroger sur la manière dont ils devront eux-mêmes se positionner à l’avenir. D’abord, le cas échéant, lors du second tour de l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, ensuite dans les mois qui suivront.

Ne sous estimons pas les conséquences du séisme que représenterait un second tour de l’élection présidentielle où ne figureraient ni le représentant du PS, ni celui de la droite républicaine. Ces deux partis, après avoir dominé la vie politique depuis des décennies, seraient alors confrontés à une crise sans précédent facilitée par la mise à l’écart des battus (aux primaires et aux élections). Une crise dominée par des règlements de compte que l’on appellera pudiquement « devoir d’inventaire ». Une crise marquée par des tentatives de conquête des appareils par ceux qui voudront instaurer leur propre domination sur leur famille politique dans la perspective des échéances futures et où ils verront une opportunité pour redéfinir projets, ligne politique et règles de comportement.

Ne sous estimons pas non plus les difficultés institutionnelles devant lesquelles nous pourrions nous trouver. Le Président élu trouvera-t-il une majorité parlementaire cohérente susceptible de voter les textes correspondant au projet sur lequel il aura été élu ? Son assise sera-t-elle suffisamment solide pour réformer sans affronter la rue au moindre prétexte ? La représentation nationale sera-t-elle conforme au rapport de forces entre les diverses familles politiques ou le scrutin majoritaire donnera-t-il, une fois encore une prime aux deux formations défaites au premier tour de la présidentielle ? Toutes ces questions peuvent se résumer en une seule : le pays sera-t-il gouvernable ?

La recomposition du paysage politique qui se dessine s’accompagne d’une phase de décomposition de celui que nous connaissons aujourd’hui. Cette décomposition, nous le savons, a déjà commencé. Sans doute, peut-on y voir une réelle opportunité pour, enfin, parvenir à une refondation de notre système démocratique. Mais elle n’est pas sans dangers dans une société comme la nôtre, à la fois sous tension et tentée par le désordre, notamment celui qu’occasionnerait le grand « coup de balai » qu’espèrent certains…

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