Le Centre de toutes les attentions…

Il n’a jamais été aussi absent du Parlement, aussi divisé en chapelles que riche de leaders auto-proclamés et inamovibles. Bref, le Centre est aujourd’hui une force politique évanescente à l’avenir improbable. Et pourtant !

Pourtant, la gauche moribonde, éclatée en factions quasiment irréconciliables lui laisse le champ libre. D’un côté, la social-démocratie ne rassemble plus que le dernier carré des fidèles de François Hollande, de l’autre, la gauche de la gauche, en quête d’incarnation à défaut d’idées neuves, se livre au jeu mortifère des querelles d’egos. Reste le centre-gauche, ce social-libéralisme que tentent de préempter chacun à sa manière, Manuel Vals et Emmanuel Macron.

Le Premier ministre est en embuscade, lui qui n’avait obtenu qu’un peu plus de 5% des voix aux primaires socialistes de 2011 ! Manuel Vals qui n’avait pas hésité à proposer de changer le nom du PS pour en enlever toute référence au socialisme, tente de réactiver une « nouvelle gauche » plus centriste, capable de retrouver les électeurs perdus de François Hollande. Quant à Emmanuel Macron, il n’y a pas de semaine sans que nous parviennent des informations sur sa marche en avant. Et la curiosité qu’il suscite tient autant à son parcours singulier qu’à la nouveauté qu’il apporte, à sa personnalité déroutante, et à son positionnement résolument centriste.

S’il peine encore à émerger à gauche, le Centre fait aussi un come-back à droite, la primaire lui assurant une reconnaissance inespérée. Pas seulement parce qu’Alain Juppé insiste sur le rassemblement – nécessaire à ses yeux – de la droite et du centre, ou qu’il bénéficie du soutien de la quasi-totalité des leaders centristes, mais aussi parce que Nicolas Sarkozy, tout à sa détestation de François Bayrou, n’a de cesse de désigner le centrisme comme l’ennemi à abattre. Par là même, il lui reconnaît un rôle si important qu’il pourrait aller jusqu’à le priver de la revanche qu’il souhaite prendre contre François Hollande.

Bref, ce Centre qui avait disparu des écrans radar en vertu de la bipolarisation et du goût prononcé de certains pour le clivage gauche-droite, est l’objet de toutes les attentions. Il faut dire qu’on le croyait mort. Après avoir rassemblé plus de 18% des électeurs en 2007 sur le nom de François Bayrou, il avait vu son capital électoral fondre comme neige au soleil… La faute à François Bayrou lui-même et à ses choix, à son exercice solitaire du pouvoir dans sa propre formation politique, à une absence de vision stratégique, à des alliances locales à géométrie variable privilégiant le confort de notables locaux au détriment de la cohérence politique. La faute aussi aux divisions internes, aux querelles de leadership… Autant de travers qui ont fait fuir militants et sympathisants.

Il faut dire que la présidentialisation de la Vème République renforcée par le quinquennat et le scrutin majoritaire ne facilitent pas la cohésion d’une famille centriste toujours contrainte de jouer la force d’appoint, tantôt à droite, tantôt à gauche, aussi bien au niveau national qu’au niveau régional ou local. Cela, à défaut de savoir jouer sa propre partition pour bousculer l’hégémonie des deux grandes formations de droite et de gauche.

Les centristes avaient une carte à jouer. Raté : elle a été saisie par Alain Juppé. C’est donc un homme de droite qui, depuis plusieurs mois, brandit l’étendard des centristes dans une compétition où ces derniers ne sont pas sûrs de pouvoir – de vouloir – se lancer ! Il n’empêche, ils sont bel et bien redevenus, malgré eux, des acteurs indispensables aussi courtisés que vilipendés. Et l’on redécouvre soudain qu’en France, les élections se gagnent au centre…

Les centristes ont, il est vrai, quelques atouts : un humanisme que l’on distingue avec peine dans les rangs d’une certaine droite ; une distance critique à l’égard du tout libéral prôné par les leaders des Républicains ; de la modération à revendre, au point qu’on les accuse parfois de faire preuve de mollesse (mais une modération qui rassure ! )* ; des convictions européennes dont chacun sait que nous aurons besoin, même si les « souverainistes » préfèrent considérer qu’elle leur donne une fâcheuse aptitude à se soumettre aux diktats bruxellois…

Il reste qu’ils ne pourront ré-enchanter la politique qu’en sortant des archaïsmes dans lesquels ils sont empêtrés, qu’en poussant à la retraite ceux qui, dans leurs rangs, ont failli, et en se dotant d’une pensée et d’une vision qui aillent au-delà des alliances de circonstances. En ont-ils les moyens ?  Et surtout ont-ils seulement la volonté de jouer un autre rôle que celui de faiseurs de rois ou de détenteurs de sièges dans une majorité élargie ?..

* Mollesse dont avait fait preuve François Bayrou lorsque, Ministre de l’Education nationale, il s’était illustré par son immobilisme…

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2 réponses à Le Centre de toutes les attentions…

  1. Serge Galibardy dit :

    Comme beaucoup je crois, j’ai beaucoup écouté « la voix du centre ».
    Une voix en effet ancrée dans des valeurs humanistes, porteuse d’une exigence éthique, observatrice lucide et critique des évènements et des postures, et, enfin profondément Européenne tout en demandant toujours plus de démocratie et d’équilibre dans la gouvernance européenne.
    J’ai d’ailleurs voté F. Bayrou en 2007 et 2012 en espérant vivement son élection.
    Je suis déçu de cette réserve actuelle, de cette présence prudente, presque timorée, comme s’il fallait qu’un appel se manifeste de l’extérieur pour oser enfin paraître. Ce qui est peut-être en train de se passer au travers du processus que tu décris.

    Le Centre, et surtout la personnalité qui le représente le plus, F. Bayrou me fait penser à la figure de Cassandre. Celle-ci prédisait l’avenir, décryptait et disait la vérité mais Apollon lui ayant retiré son pouvoir de persuasion, personne ne la croyait jamais, et les hommes persistaient dans leurs erreurs.

    J’en arrive à penser que le Centre n’a pas vocation au pouvoir justement à cause de sa position médiane.
    Il parle souvent juste, mais l’action ne suit pas. Il est précieux car il convainc, mais sa praxis ne mobilise pas.
    En revanche il peut être un remarquable modérateur et s’accomplir utilement dans ses participations aux postes élevés de l’État. C’est déjà beaucoup et en ce sens il demeure indispensable et sa présence au gouvernement est souhaitable.

     » La voie du juste milieu n’est pas suivie. Les hommes intelligents vont au-delà, les ignorants restent en deçà. Les sages veulent trop faire, et l’homme de peu pas assez. C’est ainsi que tout homme boit et mange, et peu savent juger des saveurs.  »
    Confucius.
    S.G.

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