Stop ou encore ?

De semaine en semaine, les scènes de guérilla urbaine se répètent. Le dialogue de sourds se poursuit, bataille de postures dans laquelle aucun des protagonistes n’entend rien lâcher. Et chacun joue son va-tout au risque d’entraîner dans l’abîme un pays exaspéré.

On pourra toujours dire que les épreuves du bac, tout comme l’Euro de foot, se déroulent aussi bien que possible. Il n’empêche : les vitres brisées de l’hôpital Necker- Enfants malades nous ont révélé que le goût de la violence, de la destruction ne connaissait guère de limites, pas plus que l’envie d’en découdre de certains ou leur haine de la police.

Peu importe par ailleurs de déterminer, entre le gouvernement et la CGT qui aura la palme du cynisme et celle du jusqu’au-boutisme. Seul compte le climat de défiance qui en résulte. Seuls comptent les mots qu’emploient ceux qui, Place de la République ou ailleurs, jouent aux nouveaux Robespierre pour attiser la haine. Alors quoi d’étonnant à ce qu’en marge des cortèges syndicaux, aux côtés des casseurs patentés, organisés, équipés, on retrouve des jeunes lycéens ou étudiants en mal de luttes et de sensations fortes, rejetant le système, y compris syndical ? Ils font là leurs premières armes. Première expérience de la confrontation avec la police, de la course les yeux brûlés par les gaz lacrymogènes, de la confection de projectiles, du jet de pierres et de bouteilles.

Ainsi, ceux qui, au gouvernement ou dans l’opposition, confondent autorité et autoritarisme, ceux qui ne veulent pas céder un pouce de terrain et de leur droit à manifester, ou encore ceux qui tiennent des discours enflammés porteront la lourde responsabilité d’un climat aux conséquences multiples. Bien sûr, chacun les regarde à l’aune de ses propres intérêts avec pour horizon la rentrée sociale ou les primaires qui vont planter le décor de la prochaine élection présidentielle. Mais c’est là un raisonnement à courte vue car sans doute oublient-ils que ce qui se joue en marge de ces cortèges de manifestants, c’est aussi l’issue politique que trouveront ou non ces jeunes qui de semaine en semaine, de discours en manifestations et en combats de rues, se radicalisent et rejettent toute structure représentative. Et contrairement à ce qui s’est produit en Italie, en Espagne, en Grèce, pas de « Mouvement 5 étoiles », pas de « Podemos », pas de Syriza en vue…

Les enfants perdus de 68 se sont retrouvés parfois sur la route de Katmandou, tandis que d’autres élevaient des chèvres ou se perdaient dans des paradis artificiels. Certains enfin ne se sont pas résignés à l’impasse politique à laquelle ils étaient parvenus et ont basculé dans un activisme meurtrier, persuadés que seule la violence pourrait abattre l’ordre bourgeois qu’ils exécraient. Ce fut le cas de la bande à Baader en Allemagne, des Brigades rouges en Italie, d’Action Directe en France. Partout, ils ont fait couler le sang et délibérément semé la mort sur leur passage.

Aveuglés par des enjeux immédiats, quel avenir nos responsables politiques et syndicaux laisseront-ils aux enfants perdus de 2016 ? Qui saura leur donner une perspective ? Et qui aura le courage de sortir du cercle infernal dans lequel nous sommes piégés depuis des mois ? Alors, stop ou encore ?

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