La démocratie en danger ?…

J’espère me tromper ! Et pourtant, que de signes convergents qui semblent bien inquiétants pour notre démocratie. Nous constatons déjà, depuis quelques années, une défiance grandissante à l’égard des politiques et un anti-parlementarisme latent. Nous observons un repli sur soi d’une France inquiète et mal préparée pour affronter les mutations de la mondialisation. Nous assistons maintenant à un rejet de l’étranger, qu’illustrent notamment les réticences à accueillir des réfugiés. Rejet qui se transforme peu à peu, depuis les attentats de 2015, en un anti-islamisme à peine camouflé derrière la distinction établie entre des fanatiques et des pratiquants tranquilles et insérés dans notre société. Et, au-delà, en défiance à l’égard des religions

Et puis, l’état d’urgence se poursuit, et donne lieu à la préparation d’un arsenal juridique accordant à l’administration, et en particulier à la police, des pouvoirs particulièrement étendus. Projet qui montre le peu d’attention porté à l’institution judiciaire et qui devrait susciter quelques interrogations quant à l’usage qu’en ferait au pouvoir un parti volontiers autoritaire. Sans compter la déchéance de nationalité dont l’absence d’efficacité fait l’unanimité mais qui, puisée dans les propositions d’une droite extrême, est brandie comme le symbole (douteux !) d’une « unité nationale » mal assurée.

L’opinion peu à peu se prépare à des restrictions de nos libertés parce qu’elle leur préfère la sécurité, sans pour autant que les mesures prises lui en apportent la garantie.

Car tout se passe comme si un conformisme pesant devenait une règle, un mode de pensée obligatoire auquel nul ne devrait déroger. Je n’en veux pour preuve que la polémique suscitée par la couverture de « Charlie » montrant un Dieu assassin. Je ne me suis pas privé d’écrire ce que j’en pensais. Mais il y a dans la vague de réactions en chaîne que tout cela a provoqué, en particulier sur les réseaux sociaux, quelque chose de troublant et de passablement inquiétant. Qu’on en juge : «  Critiquer Charlie aujourd’hui, c’est faire le jeu des guerres de religions et de leurs armées », ou encore « c’est se rapprocher » des assassins. Bref, oui à la liberté d’expression, mais une liberté de critique à géométrie variable selon que l’on est « Charlie » ou pas… Ceux qui ne l’étaient pas ou ne le sont plus pouvant être considérés comme des quasi-complices. Ce faisant, commettaient-ils déjà un délit d’opinion ?

On a même lu, au sujet de ceux qui pourraient se laisser aller à une foi religieuse jugée irrationnelle, des phrases comme : « Il faudrait créer un fichier DB. Les Débiles Mentaux, ceux avec qui il est impossible de raisonner, les mettre à l’asile, et les surveiller ». Là, une nouvelle étape est franchie ! C’est l’internement assuré pour ceux dont les idées ne seraient pas conformes à ce que la norme aurait défini. Et la mesure est catégorique : qualifiés de débiles mentaux, fichés, mis à l’asile ! Une idée neuve ? Non pas ! Cela rappelle étrangement le sort que l’Allemagne nazie réservait à ceux que l’on qualifiait alors de « débiles mentaux »…

Sans doute ne faut-il pas accorder trop d’importance aux propos diffusés sur les réseaux sociaux. On sait qu’ils ne sont guère propices ni à la réflexion ni à une quelconque prise de distance. Mais tout de même, ne révèlent-ils pas une pensée qui ne demande qu’à s’exprimer et qui se trouve ici comme désinhibée ? Une haine de l’autre, de celui qui est différent, de celui qui pense autrement ? Une haine qui se nourrit de préjugés que curieusement confortent certaines unes de « Charlie » ?..

Nous avons un terreau : une opinion déboussolée prompte à s’enflammer contre les uns ou les autres parce qu’ils sont étrangers ou parce que leurs convictions sont différentes. Nous avons un arsenal juridique que le pouvoir tente d’instaurer et qui serait demain d’une redoutable efficacité entre les mains d’un gouvernement moins respectueux de nos libertés. Que manque-t-il encore ? L’accès au pouvoir par les urnes ?

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