La tactique ou les idées ?

La grande question au lendemain de ce second tour des élections régionales pourrait se résumer ainsi : les responsables des grands partis politiques seront ils à la hauteur du sursaut dont les Français ont fait preuve ? Taux de participation en hausse, reports de voix, mobilisation plus forte pour priver le FN d’une quelconque victoire, etc. Les électeurs ont montré leur sens des responsabilités.

Face à ce constat, qui se veut rassurant – en tout cas partiellement et seulement pour le moment – certains échanges sur les plateaux de télévision, certaines déclarations n’ont pas paru à la hauteur. Sans compter que la guerre de mouvement a aussitôt commencé, dictée par les considérations tactiques auxquelles nous invite le calendrier puisque désormais le prochain scrutin auquel seront appelés les Français, est celui de la présidentielle de 2017.

Droitisation du discours ou révision des alliances autour des « modérés », et même un hypothétique changement de nom du PS, rien n’aura été oublié. Sans compter, bien sûr, le profil des candidats appelés à porter les couleurs de chaque camp, ni les inévitables sondages sur les candidats préférés des Français.

Trois observations : d’abord, avec des résultats qui ne font ni vainqueur, ni vaincu, bien malin qui pourrait tirer des conclusions définitives de ce scrutin, ce qui laisse augurer de rudes débats quant à la ligne de chacun des camps en présence. Ensuite, pas sûr que les Français trouvent leur compte à ce petit jeu qui en appelle un autre, inévitable : le jeu de massacre destiné à abattre celui qui cherchera à trop pousser son avantage. Enfin et surtout, le risque est grand de vérifier l’axiome selon lequel les idées reculent à mesure que les considérations tactiques l’emportent. Cela est d’autant plus vrai que l’on ne peut que constater l’éclatement de notre paysage politique, les Français se reconnaissant de moins en moins dans le traditionnel clivage droite – gauche.

Au-delà, par leur sursaut du 13 décembre, les Français ont tenté lors de ces deux tours de scrutin, de faire passer un double message. Le premier pourrait s’écrire de la manière suivante : « prenez peur car si nous n’avons pas voulu nous précipiter dans les bras du parti de la haine, nous n’en sommes pas pour autant satisfaits. Changez ! Sinon…». Pour répondre à ce premier message, nos gouvernants doivent désormais passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

Le second, plus diffus, porte sur la nature même du changement attendu. Changement d’hommes, bien sûr. Mais encore faut-il rénover suffisamment les formations politiques pour permettre à de nouvelles têtes d’émerger, comme il faut, également, que les Français aient envie de s’engager. Renouvellement de la manière de débattre, en respectant ses adversaires, en prenant en compte les désaccords pour construire des compromis. Renouvellement des idées, enfin, pour traiter au fond quelques unes des grandes questions qui ont jusque-là été soigneusement évitées : comment concilier un libéralisme qui encourage l’esprit d’initiative, la prise de responsabilité et de risques avec la solidarité ? Comment renouer avec l’autorité sans tomber dans l’autoritarisme ? Comment faire coïncider ouverture et affirmation de son identité ? Comment harmoniser participation des citoyens aux prises de décision et responsabilité des élus ? Comment assurer une présence des services publics sur l’ensemble du territoire, renforcer l’Etat tout en veillant à sa sobriété ?… pour n’en citer que quelques unes.

Si 2017, c’est demain, aujourd’hui est venu le temps des idées. Sans elles, les tactiques seront vaines.

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