Tous réacs ?

Le mot est mis à toutes les sauces ! Quand des débats tournent court, quand les idées sont remplacées par l’invective, ceux qui abordent certains sujets, osent faire entendre une voix discordante se voient parfois accusés de faire le jeu du FN ou, le plus souvent, traités de « réactionnaires ». Mais que signifie ce mot dans la bouche de ceux qui l’emploient ? Un mot qui engloberait pêle-mêle les nostalgiques d’un ordre ancien, ceux qui ont peur de l’avenir, ceux qui se réfugient dans une vision passéiste de la famille, de la société, de la politique, de la France et de l’Europe ? Bref, ceux qui ne se retrouveraient pas dans un monde ouvert et libéralisé où les Etats s’affaiblissent, dans une mondialisation qui conduit au métissage ; ceux qui se placent en réaction contre les mouvements de l’Histoire. Ou bien ceux qui ne veulent pas n’importe quelle Europe, pas n’importe quelle société ? Un peu de tout cela, sans doute, mais pas que…

C’est, en effet, un peu court car impossible de comprendre ce qualificatif, sans savoir à quoi s’oppose la « réaction ». Les réactionnaires n’existent que par opposition à une certaine idée du progrès incarnée par ceux qui seraient, ou se définiraient comme « progressistes ». En clair le camp du statu quo, contre celui du mouvement, du progrès.

Et c’est là que le bât blesse car enfin, ceux là mêmes qui traitent les autres de « réactionnaires » sont-ils capables de définir ce progrès auquel ils aspirent ? Il fut un temps où le progrès était synonyme de conquêtes en matière de droits nouveaux, de libertés, d’aspiration à la justice sociale. C’était le temps où l’on nous expliquait qu’il pouvait y avoir un socialisme « à visage humain », que les guérillas qui affrontaient l’impérialisme occidental étaient des combats nécessairement justes. Mais il semble que les espoirs de ces « progressistes » se soient noyés avec les boat-people Vietnamiens en mer de Chine, aient disparu avec les milliers de victimes de Pol-Pot, se soient effondrés avec les dernières ruines du système stalinien.

Aujourd’hui, il ne leur reste que le désenchantement et la circonspection, pour ne pas dire la méfiance à l’égard des idéologies. Alors que nous proposent-ils comme progrès ? Ayant renoncé à influer sur l’économie et la finance, leur seule perspective serait-elle la reconnaissance de droits nouveaux pour des « minorités opprimées » (les femmes, les immigrés, les homosexuels, les transexuels…) ? Le droit à la PMA ou à la GPA, le droit de « mourir dans la dignité », (version soft de l’euthanasie) doivent-ils vraiment devenir l’horizon indépassable de la modernité ? Pourquoi pas demain le « transhumanisme » ? N’aurait-on plus de progrès à réaliser en matière de justice sociale, de construction européenne ? Serait-ce qu’après les droits opposables et les principes de précaution à tout va, l’on n’aurait plus de modèle à proposer aux Français ? Faut-il se contenter d’un progrès qui se réduirait à des avancées technologiques et à notre aptitude à les intégrer dans notre mode de vie grâce à une consommation sans limites ?

En fait, cette frénésie des « progressistes » à traiter leurs adversaires de « réactionnaires » provient de la légèreté de leur conception du progrès, et plus encore de leur incapacité à définir un progrès qui fasse envie. Dans une société où l’ascenseur social est en panne et laisse de côté des bataillons de chômeurs et de travailleurs pauvres, dans un monde où ceux qui se définissent encore comme socialistes peinent à définir un modèle économique qui ne soit pas libéral, comment discréditer un adversaire si ce n’est en brandissant l’anathème de la « réaction » ? Le plus curieux est précisément que nul ne leur renvoie cette question. Pas plus qu’à ces autres « progressistes » qui, fascinés par des modèles qui ont échoué partout, n’ont toujours aucun complexe à proclamer leurs rêves d’un « grand soir », sans se soucier du prix à payer…

Alors, il reste aux autres à bâtir un modèle de progrès réellement novateur. Et à coup sûr, les prétendus « progressistes » d’aujourd’hui deviendront les réacs de demain !

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