Les mots de l’été (fin) : aimer

Et si, avant de reprendre le rythme hebdomadaire de ce blog, nous achevions la série des mots de l’été avec Camus ? Des mots qui parlent du malheur de ne pas aimer, de la revendication de la justice et d’une manière de cultiver l’espérance…

« Je regardais la mer qui, à cette heure, se soulevait à peine d’un mouvement épuisé et je rassasiais les deux soifs qu’on ne peut tromper longtemps sans que l’être se dessèche, je veux dire aimer et admirer. Car il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer. Nous tous aujourd’hui mourrons de ce malheur. C’est que le sang, les haines décharnent le coeur lui-même ; la longue revendication de la justice épuise l’amour qui pourtant lui a donné naissance. Dans la clameur où nous vivons, l’amour est impossible et la justice ne suffit pas (…) Pour empêcher que la justice se racornisse, beau fruit orange qui ne contient qu’une pulpe amère et sèche, je redécouvrais à Tipasa qu’il fallait garder intactes en soi une fraîcheur, une source de joie, aimer le jour qui échappe à l’injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise. (…) Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible ».

Albert Camus «  Retour à Tipasa » in «  L’Eté » ( Éditions Gallimard – 1954)

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