A-t-on besoin de la Grèce ?

La partie de poker-menteur qui se joue entre Athènes et Bruxelles ne se réduit pas à quelques milliards d’Euros ou à des engagements durables sur les dépenses publiques en Grèce et la collecte de l’impôt. Même si, décidément, les Grecs tardent à s’y résigner. La question qui est posée est celle de la présence ou non de la Grèce au sein de la zone Euro et donc sa place dans l’Union. M. Tsipras a décidé de laisser le peuple grec prendre la responsabilité de cette réponse. C’est son affaire, dira-t-on, et une illustration des limites de son courage politique ! Mais cela ne nous évite pas de nous poser une autre question : a-t-on vraiment besoin de la Grèce ?

A première vue, il pourrait être aisé de répondre que l’Union européenne ne peut continuer de soutenir à bout de bras un pays qui s’est laissé aller non seulement aux délices des déficits publics (nous Français, sommes mal placés pour avancer ce type d’argument…), mais qui, de plus, fait du refus de l’impôt et de la fraude fiscale, un jeu national. De surcroît, le maquillage de ses comptes publics avant son entrée dans la zone Euro ne plaide pas en sa faveur. Cependant, la désignation des coupables d’hier ne donne pas de solution pour demain. D’autant que ce ne sont pas eux, mais les jeunes, les chômeurs, les retraités de ce pays qui paient cette crise au prix fort, sans autre perspective que l’impossibilité de rembourser la dette de leur vivant, compte – tenu des conditions qui ont été imposées à la Grèce par ses créanciers. Des conditions qui montrent combien le mot solidarité avait été oublié lorsqu’elles avaient été « négociées ».

La sortie de la Grèce de la zone Euro serait donc un aveu de notre propre faiblesse. Faiblesse de l’Union européenne à mettre en œuvre des mécanismes de solidarité qui soient efficaces sans être mortifères pour les économies auxquelles ils s’appliquent. Faiblesse à accepter les compromis qu’exigent certaines circonstances. Faiblesse à se concevoir autrement que comme une zone de libre échange sans autre règle que celles de ces « convergences » qui président au fonctionnement de l’Union monétaire.

Laisser la Grèce quitter le navire européen en pleine crise, c’est abandonner un pays qui a très largement contribué à forger la civilisation qui est la nôtre. Et qui est, de plus, le berceau de cette démocratie dont nous nous réclamons ! Est-ce de cette démocratie, de cette parole redonnée au peuple par la voie du référendum dont aujourd’hui nous aurions peur ? Parce que ce peuple, malmené par la crise, désorienté par les tromperies de ses dirigeants successifs, troublé par la déraison et la démagogie de son gouvernement actuel, pourrait ne pas répondre à la question qui lui est posée, ou « mal » y répondre ? En abandonnant la Grèce, abandonnerons nous un peu de notre foi en la démocratie ?

Enfin, la sortie de la Grèce ouvrirait, pour nous, une coûteuse période d’incertitude. Pas seulement parce que les contribuables français prendraient à leur charge une part de la dette grecque qui ne serait pas remboursée. Mais aussi parce que cela constituerait un fâcheux précédent et ferait tomber un tabou susceptible de donner des arguments tant aux extrémistes de gauche qu’à ceux de droite. En France et ailleurs…

L’incertitude, les turbulences que nous traversons, et surtout l’augmentation de la pauvreté en Grèce, sont le prix de l’inconséquence de dirigeants soucieux de ne pas bousculer l’insouciance des gouvernés ; de l’arrogance des uns ; des postures et de la provocation des autres. Tous ont ruiné l’idée même de confiance. Et pourtant, oui, nous avons besoin de la Grèce !

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