Cessons de tout confondre !

Vous, je sais pas. Mais moi, je commence à trouver oppressante cette atmosphère de surenchère sur le malheur des autres. Oppressante cette façon de les renvoyer à leurs origines, à l a terre de conflits et de misère où ils sont nés, à leur religion regardée avec suspicion, à leur culture. Oppressante cette manière d’en faire un objet de polémique dès lors que le camp adverse ouvre un débat, et alors même que l’on s’apprête à engager le même *…

Oui, il y a le désarroi de ceux qui ont l’impression de devenir des étrangers sur leur propre sol ; de ceux qui, ayant abandonné toute pratique religieuse, s’inquiètent de constater les progrès d’une autre croyance que celle de leurs parents. Oui, il y a des comportements de jeunes femmes voilées qui s’apparentent à de la provocation, quand ce n’est pas de l’arrogance. Oui, il y a une angoisse qui s’accroît lorsque des milliers de malheureux frappent aux portes de l’Europe pour y trouver refuge et subsistance, tandis que la crise a plongé chez nous des milliers de foyers dans le chômage et la débrouille pour tenter de survivre.

Mais enfin, faut-il tout confondre ? Faut-il oublier le sens du mot Fraternité ? Certains de nos politiques n’ont-ils d’autre perspective que de surfer sur les peurs, d’autre projet que de flatter l’instinct de rejet de l’autre, d’autre réponse à apporter que le repli sur soi ? N’ont-ils d’autre volonté, en rejetant les autres, que de nous condamner à l’enfermement à l’intérieur de nos frontières ?

Face à l’incivilité des uns, à la dérive de l’Islam radical des autres, qui peut croire que la suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires soit une réponse ? Face au flux d’immigrés qui fuient leurs pays d’origine pour cause de guerres, de massacres ou de misère, qui peut croire que remettre en cause le principe du droit du sol soit une réponse ? Face aux campements sauvages, n’a-t-on d’autre réponse qu’un traitement homéopathique ou des cordons de CRS ? Face à la question migratoire qui a pris une ampleur planétaire, qui peut penser que la solution pourrait être nationale et pas européenne ?

Faisons un retour en arrière. Il s’appelait Daniel et était Français. Son bateau s’appelait « Le Sauveur ». Il était ce qu’on pourrait appeler un « passeur » car il avait embarqué quelques 800 habitants qui avaient décidé de fuir le tyran qui les opprimait et les violences de ses soldats. Ils avaient obtenu d’un gouvernement étranger un statut de réfugiés et une terre pour s’installer. Ils étaient grecs de la région de Vitylo dans le Péloponnèse. Ils fuyaient l’oppression des turcs. Le gouvernement qui leur a accordé l’asile, c’était la République de Gênes. La terre qui les a accueillis, c’est la Corse. C’était en 1673. Leur histoire ne fut pas exempte de difficultés. Ils ont connu jalousies, violences et spoliations. Mais qui peut dire aujourd’hui que les habitants de Cargèse ne sont pas pleinement Corses et pleinement Français ?

Aujourd’hui, ils viennent d’Erythrée ou du Darfour, de Syrie ou d’Afghanistan. Ils campent dans les dunes de Calais ou sous leur couverture de survie, sur les rochers de Vintimille… L’Europe fera-t-elle moins bien que la République de Gênes ? Donnera-t-elle raison à de médiocres politiciens qui, pour éviter de faire face à la complexité, préfèrent l’anathème et la polémique ?

* Le PS n’a-t-il pas vigoureusement critiqué l’initiative du principal parti d’opposition d’ouvrir un débat sur la place de l’Islam dans notre république avant de l’engager à son tour ?…

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Une réponse à Cessons de tout confondre !

  1. Bruno Voisin dit :

    Une fois n’est pas coutume, j’apporte ici une précision à caractère personnel : si j’évoque ici les habitants de Vitylo qui ont fuit l’oppression turque, et ont pu s’installer en Corse, c’est à cause d’une femme qui, descendante de ces « boat-people » du XVIIème siècle, est née à Cargèse. Son mari a été tué le 20 août 1914 à la bataille de Morhange. Elle était ma grand-mère.

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