Un coup de Menton contre l’Europe…

L’Europe a bon dos : tantôt elle en fait trop. Tantôt pas assez. Trop, quand les institutions européennes veulent à tout prix déréguler et, dans le même temps, édictent des réglementations ou des normes qui suscitent l’irritation. Des normes à propos desquelles on oublie le plus souvent que notre administration s’empresse d’ajouter plusieurs couches aussi inutiles que contraignantes, comme pour démontrer qu’elle n’entend pas perdre le pouvoir…

L’Europe n’en fait pas assez lorsque, devant le drame des migrants qui se perdent en Méditerranée, de tous côtés s’élèvent les voix qui appellent à une démarche collective pour mettre fin à cette déshonorante tragédie. Or, lorsque le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker propose d’adopter des règles de répartition de ces immigrés au sein de l’Union, le Premier ministre de la France s’empresse, à Menton, de refuser toute logique de quotas, appelant à la rescousse une certaine idée de la souveraineté nationale.

Le coup de Menton de Manuel Vals pose un double problème. Un problème de politique intérieure tout d’abord, car les accents de son discours rejetant implicitement l’idée d’accueillir davantage d’immigrés sur notre sol semblent donner raison au Front National. Un problème de politique européenne ensuite car il exprime son refus de prendre en compte la dimension européenne d’un tel sujet.

Certes, son propos rejoint celui de l’un de ses prédécesseurs, Michel Rocard, qui avait déclaré que la France ne pouvait « accueillir toute la misère du monde ». Mais alors même qu’était dénoncée l’inaction de l’Europe face aux drames auxquels aboutit une émigration massive en provenance du continent africain, la proposition du Président de la Commission européenne de répartir les immigrés parvenus sur le sol d’un pays de l’Union méritait mieux que cette fin de non recevoir…

En effet, en proposant des quotas établis sur la base de critères tels que le PIB, le taux de chômage, le nombre d’immigrés déjà accueillis au sein de chaque Etat-membre, le rapport entre ce nombre et la population totale, la Commission européenne jetait les bases d’un débat en vue d’une plus juste répartition de ces migrants.

Alors, serait-ce le caractère symbolique de ces quotas qui embarrasserait le Premier Ministre ? Des quotas qu’on s’empresse pourtant, dans l’hexagone, d’imposer dans bien d’autres domaines !… Ou serait-ce qu’une telle proposition ne répond qu’à l’urgence sans aborder d’autres questions tout aussi importantes : quelles actions de police nationale et internationale à l’encontre des trafiquants d’êtres humains que sont les passeurs ? Quelle action politique et militaire pour ramener la paix dans des zones déstabilisées sur le continent africain ? Quelle action de co-développement enfin pour sortir ces populations de la misère ? Et, sur chacun de ces points, quelle devrait être la politique de l’Union européenne ?

Certes, la France n’est pas la dernière, tant s’en faut, à prendre sa part pour répondre à ces différentes questions. Mais l’appel de Jean-Claude Juncker jetait les bases d’une approche proprement européenne. Dommage que sur un tel sujet, un Premier ministre de la France se soit laissé aller à des propos qui relèvent de l’égoïsme national…

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