Rigueur, austérité… ou sobriété ?

Le peuple grec a dit non. Non à l’humiliation imposée par Washington, Bruxelles ou Berlin… Non à l’austérité et son cortège de chômage, d’abandons, de retour en arrière. Non à la pauvreté. Pas sûr que le choix qu’il a fait sera, demain ou dans cinq ans, couronné de succès. Mais entre, d’un côté la corruption, le clientélisme, l’immobilisme et, de l’autre, l’aventure, le saut dans l’inconnu, il n’a pas hésité.

Certains, chez nous, s’en frottent les mains qui y voient déjà les prémisses de leur propre destin, oubliant volontiers combien cynique est le calcul auquel ils se livrent (davantage de misère, et nous serons sûrs de gagner !..), combien risqué pour la démocratie est un tel pari sur l’avenir.

Et si au lieu de se livrer à ce jeu dangereux, on s’interrogeait un instant sur les leçons à en tirer pour nous mêmes ? Sur les effets de l’austérité imposée ? Certes, il y a eu en Grèce accumulation de mensonges, d’erreurs de diagnostic et d’aveuglement collectif. Mais ne prenons-nous pas le même chemin ?

Souvenons-nous de l’impossibilité pour nos politiques d’employer le mot de rigueur. Or, que constate-t-on ? Que c’est précisément l’absence de rigueur qui conduit à l’austérité. Certes, il y a austérité et austérité. Celle qui a été imposée aux Grecs est si brutale qu’elle s’apparente à ces traitements qui tuent le malade en prétendant le guérir. Quant à nous, faute de choisir, nous avons adopté « l’austérité douce » qui se voudrait presqu’indolore. Elle s’appuie sur une logique comptable : rogner un peu partout sur les dépenses sans rien remettre en cause. Hélas, cela donne le sentiment insidieux d’une diminution programmée des services publics, d’un abandon de l’Etat qui se retire de nos territoires avec, pour le contribuable, l’impression de ne pas en avoir pour son argent. Sans compter que cela contribue à ralentir notre économie.

C’est la raison pour laquelle certains élus*, des citoyens comme ceux qui se rassemblent autour du Pacte Civique**, se lèvent aujourd’hui pour réclamer une politique de sobriété, tout à la fois facteur d’innovation économique, et seule capable, comme le dit Jean-Baptiste de Foucauld, de « reconstruire le volet fraternité de la République ». Certes, il convient de définir précisément ce que recouvre ce concept de sobriété. Car il y aurait quelque indécence à vouloir imposer la sobriété à ceux dont les revenus ne leur permettent pas de boucler les fins de mois.

A quelles conditions la sobriété pourrait-elle donc être une valeur fondatrice pour un nouveau modèle de société ? A tout le moins, cela nécessite débat. Débat sur les missions de l’Etat et ses fonctions régaliennes ; débat sur celles qui doivent être confiées à des acteurs privés ; débat sur les mécanismes de solidarité qui doivent être mis en œuvre ; débat sur les modalités de la transition écologique… Chacun de ces débats ne peut que s’accompagner de la prise de conscience que ce qui était hier ne pourra pas être, demain, à l’identique. Chacun de ces débats imposera des choix. Or, choisir, c’est renoncer. Il faudra donc renoncer à ce que nous croyons, parfois à tort, faire partie de notre modèle. Il faudra en accepter le coût, tout en s’imposant des règles de solidarité.

2017, c’est loin, et c’est demain : deux ans ne seront pas de trop pour ouvrir les débats qui traceront les contours de cette sobriété. Pour que, dans deux ans, elle fasse partie des choix proposés aux Français. Car, seule une sobriété choisie nous évitera l’austérité imposée.

* Elus au premier rang desquels figure Alain Lambert, Président du Conseil général de l’Orne et auteur d’un ouvrage riche d’informations et de réflexions : « Déficits publics : la démocratie en danger » (éd. Armand Colin).

** Le Pacte Civique, à retrouver sur   http://www.pacte-civique.org

 

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Une réponse à Rigueur, austérité… ou sobriété ?

  1. Ignace Manca dit :

    Je me sens incapable de proférer le moindre jugement sur ce qui a pu conduire les Grecs à rejeter en bloc la politique mise en œuvre par le FMI et l’Europe. Fallait-il laisser ce pays aller à la banqueroute au lieu de le mettre sous perfusion financière ? Et la perfusion ne devait-elle pas s’accompagner de mesures destinées à redresser une situation pour le moins calamiteuse quelles qu’en aient été les raisons ?

    Réfléchir sur notre modèle me semble plus proche de mes possibilités d’analyse. Avec un axe qui tient du bon sens avec lequel j’ai essayé de conduire ma vie jusqu’à présent : ne pas dépenser plus que ce que je gagne.
    Car ce qui me frappe dans notre modèle c’est que nous essayons péniblement de ne pas creuser « trop » notre déficit alors que l’endettement de l’Etat atteint des montants si colossaux qu’il faut le diviser par le nombre d’habitants pour que cela parle au plus grand nombre…
    Le gouvernement actuel serait satisfait s’il ne creusait pas chaque année le déficit de plus de 40 milliards d’euros (ce qui soit dit en passant est la hauteur de l’engagement pris par la France pour la dette grecque).
    Le débat entre rigueur austérité et sobriété, pour intéressant qu’il soit, ne pourra, à mon sens, faire l’économie d’une réflexion sur ce que nous allons laisser comme ardoise aux générations futures.

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