Même pas peur… des mots

Ils étaient la France, ceux qui, par centaines de milliers ont marché à Paris, à Strasbourg ou à Brest, à Lyon, à Rennes ou à Bordeaux, à Marseille et ailleurs, dans tant de villes. Après la sidération, après l’émotion, ils voulaient se montrer debout.

Ils étaient l’Europe et le monde, ces chefs d’Etats et de gouvernements venus à Paris dire à la France de rester ce qu’elle est. Ils étaient à ses côtés pour exprimer avec force leur attachement à ses valeurs que résumaient mieux que jamais les trois mots : liberté, égalité, fraternité. Liberté de penser, d’écrire, de rire. Egalité devant la vie et la mort, la douleur et l’espoir. Fraternité des juifs, des musulmans et des chrétiens, des bourgeois, des prolos et des bobos, des flics et des anars, tous unis autour de l’essentiel.

Les Français se sont rassemblés. Ils se sont retrouvés mêlés, toutes générations confondues, quelles que soient leurs sensibilités, leurs convictions religieuses ou politiques. Ils ont montré que l’on partage des valeurs et des principes sur lesquels on ne transige pas. Et il n’est pas vain que ceux qui n’achetaient jamais ce journal, qui s’estimaient parfois dénigrés, blessés dans leurs convictions par ses titres, ses caricatures se soient aussi retrouvés unis pour le défendre. Ces catholiques et ces musulmans, ces bourgeois et ces policiers, ces gens d’ordre qui ont maintes fois été visés par l’humour ravageur de Charlie, étaient unis dans la défense de la liberté de penser, de critiquer, de rire. Ceux-là ont donné une belle leçon de tolérance. Mais après ?

On les disait fatigués, doutant d’eux-mêmes. Mais en marchant ensemble, les Français ont réaffirmé les valeurs qui les unissaient. Et certains voudraient que l’on ne parle pas d’identité ?

Après l’attaque d’un commando entrainé, coordonné, lourdement armé, ils se sont levés pour dire : « même pas peur ». Et l’on aurait peur de parler de guerre ? Guerre contre le terrorisme, guerre contre un ennemi qui sait se dissimuler, se fondre dans la foule pour ensuite mieux frapper ses cibles ?

Les musulmans étaient là. Ils ont marché pour dire : « pas en notre nom », pour affirmer que leur religion n’a rien à voir avec ces fous sanguinaires qui en ignorent les préceptes essentiels. Et l’on voudrait s’interdire d’interroger l’Islam sur sa place dans le monde ouvert de la modernité ? Et l’on voudrait ne pas l’interroger sur ce qui conduit à une telle usurpation ?

Les Français étaient là pour dire non à l’antisémitisme qui, hélas, ressurgit régulièrement. Mais dans notre société laïque qui confine les convictions religieuses à la sphère privée, l’intolérance se nourrit de l’ignorance. Et l’on voudrait ne pas parler de religions ? On voudrait ne pas dire ce qu’est la spiritualité des uns, les convictions des autres ? On aurait peur de faire de la pédagogie des religions, d’en parler, y compris à l’école qui reste pourtant le premier lieu où se propagent les préjugés ?

Alors, après avoir pansé les plaies, il est venu le temps de penser une réalité qui se rappelle a nous avec la plus extrême violence. Et pour cela, il faut en venir aux mots. Mettre des mots sur cette réalité. Enfin, ne plus avoir peur… des mots.

Ce contenu a été publié dans Billets, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire